jeudi 30 avril 2020
mercredi 29 avril 2020
Log book # 43
La « forme »
qui autant se le dire, n’est plus au mieux de sa forme, au bout de 46 jours de
confinement, pour tuer le temps, a décidé, hier, d’écouter un podcast sur l’Anarchie
Individualiste qui émergea à la fin du XIXe siècle, mais qui ne
devînt un courant visible que dans les premières années du XXe
siècle.
« Le
principe de l’anarchie individualiste, c’est que la révolution doit commencer déjà
par soi-même, c’est-à-dire que l’on ne doit pas attendre d’un grand soir
hypothétique que tout change, si les individus n’ont pas déjà changé eux-mêmes. »
« Ils
ont comme credo que tout est politique, que le plus minuscule de nos gestes a
une portée politique et qu’on doit en tout se comporter en anarchiste. »
dit Anne Steiner, Maître de Conférences en Sociologie, à l’Université
Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, spécialiste du mouvement individualiste
anarchiste.
Les anarchistes
individualistes refusaient l’exploitation, la domination et l’autoritarisme.
« Partir
pour montrer qu’une autre vie est possible, trouver un ailleurs dans un hameau,
un bois, une clairière loin de l’écrasement urbain et des carcans de la société,
pour vivre hors du salariat, en camarades. »
L’histoire
secrète de ces colonies libertaires serait sans doute restée muette si quelques
historiens de l’anarchie individualiste et du mouvement ouvrier n’avaient buté
dessus.
Harmon qui
est un théoricien dit qu’il s’agit « de sculpter son moi. L’idée c’est de se
développer comme homme, comme être humain, dans toutes ses dimensions c’est-à-dire
corporelle, intellectuelle, spirituelle, sexuelle, sensuelle, artistique et ça
c’est incompatible avec dix heures d’usine. »
Ce sont des courants
qui regroupent essentiellement des ouvriers, des jeunes, très jeunes qui ont
fréquenté l’école publique laïque, qui ont bénéficié des lois Ferry.
Ils ont plus
d’instruction que leurs parents même si elle s’est arrêtée brutalement, mais ça
leur a donné le goût de l’étude et le refus d’être assignés à une condition
ouvrière avilissante.
Ça ne veut pas
dire qu’ils veulent monter dans l’échelle sociale. Ils ne veulent être ni
bourgeois, ni ouvriers, mais inventer l’homme nouveau qui aura surmonté la
division entre travail intellectuel et travail manuel.
« Chez
eux, il y a une volonté d’épanouissement, de suivre les progrès techniques de
leur temps, les progrès scientifiques. Passionnément, ils vont aussi s’inscrire
dans les universités populaires, il y en a plusieurs centaines en France. On veut
se développer, on ne veut pas être des auxiliaires de la machine, des brutes
humaines travaillant 10 à 11h par jour, 6 jours par semaine. On ne veut pas laisser
en friche toutes ses capacités. On veut vivre pleinement, d’où le milieu libre
pour pouvoir s’organiser hors du salariat. »
Arnaud
Baubérot, historien du naturisme, dit à ce propos : « Pour quelques-uns,
sortir de la ville, c’est aussi aller dans la nature et commence alors à
émerger l’idée que la nature est peut-être un moyen de se régénérer, de se transformer,
de changer sa manière de vivre et d’avoir une vie plus conforme à la nature c’est-à-dire
qui semble plus rationnelle, moins marquée par la société, par les modes de vie
dominants et par les valeurs dominantes de la société. Et on voit apparaître
dans les toutes premières expériences des colonies anarchistes, des débats entre
des anarchistes partis à la campagne qui vivent en communauté, travaillent dans
des ateliers, mais pour eux leur changement de vie s’arrête là et puis d’autres
qui commencent à émettre l’idée que la nature, c’est aussi transformer sa vie. Ne
plus boire d’alcool, ni fumer de tabac, manger végétarien et avec cette idée
que ce serait une façon de vivre conforme à la nature. »
« Pour
abattre la société, il faut mener un mode de vie simple, refuser la
consommation, refuser de s’entourer d’objets superflus et mener une vie ascétique. »
Par certains
aspects, cette idée est très contemporaine, nos modes de vie, nos modes d’alimentation
ne sont pas sans conséquence dans l’ordre politique et le monde tel qu’il fonctionne
de manière globale.
Dans le
discours des anarchistes individualistes, il est très clair que le tabac et l’alcool
sont des substances qui abrutissent la pensée, qui abrutissent l’individu et
donc qui le rendent plus docile et soumis aux autorités, aux patrons, à l’État.
mardi 28 avril 2020
Log book # 42
Christa est
née à Berlin-Est, avenue Untendenlinden, proche du parc Tiergarten, l’année où
ses parents se marièrent, en 1981 et y a passé toute son enfance et son
adolescence.
C’est aussi
là que son fiancé est venu la chercher pour la conduire à son nouveau foyer,
lorsqu’ils décidèrent de se mettre en ménage et choisirent un logement dans un
quartier moins huppé de la ville, le quartier de Friedrichshain, très fréquenté,
à l’époque, par les jeunes berlinois qui s’y retrouvaient, dans les cafés, autour
de la Simon-Dach-Strasse et faisaient couler la bière à flot, tout en payant un
prix raisonnable.
Christa est aujourd’hui
serveuse, dans un bistrot d’une petite ville de l’Ouest.
Un travail qu’elle
a tout toujours pris très à cœur, mais elle a commencé à perdre l’éclat de
cette discrète et délicate sollicitude qui charmait autrefois ses clients.
L’envie d’offrir
aux gens son oreille attentive, lui a passé depuis longtemps et sa routine quotidienne
lui pèse énormément .
Un jour, Christa
n’allât pas à son travail. Ça ne lui était encore jamais arrivé. La patronne du
bistrot monta chez elle, pour voir ce qui se passait.
Elle sonna, mais
personne ne vint ouvrir. Elle y retourna le lendemain et sonna, de nouveau,
sans résultat. Elle se résolut alors à appeler la police qui enfonça la porte.
Le logement
était vide. Tout était soigneusement rangé, mais aucune trace de Christa, ni
rien de suspect.
Christa n’apparût
pas non plus les jours suivants. La police s’occupa de l’affaire sans rien
découvrir de nouveau. La disparition de Christa finit par être classée parmi les
affaires jamais réglées.
Ce dont ni la
police, ni la patronne du bistrot ne pouvaient se douter, c’est que Christa, un
beau matin, alors qu’elle était seule, dans le café, le regard plus triste
encore que la veille, se sentant totalement happée par un vide profond, lourd
de souvenirs et de remords, d’amertume et d’oubli décida d’y échapper sur le
champ et de partir n’importe où.
Elle ressentait
depuis quelque temps déjà cette terrible envie de partir, de tout laisser
derrière elle, de s’alléger en posant à terre ce fardeau.
Elle voulait
aller là où les choses sont légères comme une brise. Où les choses ont perdu
leur poids. Où il n’y a ni remords, ni oubli. Quelque part où les choses ne
pèsent rien.
Christa, comme
dans un rêve, comme dans un conte, abandonna, ce matin-là, le comptoir derrière
lequel elle avait passé plusieurs années de sa vie, telle une somnambule.
C’était un
autre voyage vers l’infini, un aventureux voyage d’épopée.
Christa avait
douloureusement perdu avec Stefan, la possibilité d’infini de leur amour.
La mort de
son mari, dans un accident de voiture ne leur avait pas laissé cet infini à
leur portée. Ils n’avaient pas pu aller jusqu’au bout. Cet infini lui avait
beaucoup trop tôt échappé des mains.
Il n’est rien
de plus intolérable que de voir mourir l’être aimé et les possibilités infinies
de l’amour.
Ce livre est
un roman sur Christa et, à l’instant où elle sortira de scène, ce sera un roman
pour Christa. Elle est le personnage principal et le principal auditeur de tous
les autres, jusqu’au matin de sa mystérieuse disparition. Elle est le
réceptacle de toutes les histoires qui lui ont été contées à l’oreille, plus ou
moins en confidence, et qui se rejoignent dans sa vie et dans sa propre
histoire comme dans un miroir grossissant.
Christa ne se
souciait pas le moins du monde où aller maintenant !
Elle emprunta
le chemin de la gare et prît le premier train au départ, sur le quai.
Soudain,
fatiguée, elle s’affala de tout son poids sur la banquette, côté fenêtre et reposa
sa tête, sentant toutes les secousses du trajet. Tout lui était désormais
indifférent. Elle était partie pour un long voyage sans savoir où elle allait.
Quand son mari
était mort, elle n’avait pas pu voir son corps, tellement il était défiguré. Elle
avait ressenti un choc profond. En un instant, il était un être humain et en une
seconde la mort l’avait transformé en un affreux cadavre que l’on enfouirait
sous terre ou que l’on jetterait dans le feu. Elle avait justement voulu que
son mari fût incinéré, épouvantée à l’idée de ce que pourrait subir ce corps
bien-aimé.
Et quelques
mois plus tard, quand elle avait pensé au suicide, elle avait décidé de se
noyer, loin, en pleine mer, pour que son corps disparaisse et se liquéfie.
Et voilà qu’elle
prenait le train et descendait maintenant dans une ville inconnue, en bord de
mer. Elle se demandait, à présent, si elle ne cheminait pas vers la douceur de
la mort.
Elle s’en est
un peu égarée ces dernières années, mais à présent, elle ne souhaite plus tenter
de se débattre. Elle ne désire plus faire d’effort pour rien. Elle ne veut plus
sentir le poids et le remords de l’oubli. Elle ne souhaite plus qu’une seule
chose : annuler la fatigue qui lui pèse comme un fardeau trop lourd à
porter.
Elle prend l’allée
qui descend doucement en direction à la mer.
Elle quitte
la rive après avoir ôté ses vêtements.
Elle nage.
Elle nage et,
pour la première fois, depuis longtemps, elle se sent bien.
Elle sent son
corps, elle sent son ancienne force.
L’eau est
froide, mais elle se délecte de cette fraîcheur et ses mouvements de nageuse
lui donnent du plaisir.
Elle nage
depuis longtemps et le soleil descend lentement dans l’eau.
Elle est très
loin de la rive.
Puis l’obscurité
s’épaissit et il fait complètement noir.
Elle nage en
pleine mer, en suivant toujours la même direction, mais ses membres commencent
à se sentir faibles et l’eau devient insupportablement glacée.
Elle ferme
les yeux et continue à nager.
Elle ne
compte plus revenir en arrière maintenant.
Elle ne pense
plus qu’à sa mort et elle veut mourir quelque part au milieu des eaux, loin de
tout contact, seule.
Ses yeux se
ferment et comme elle s’assoupit, par instants, à bout de forces, l’eau lui
rentre dans les poumons.
Elle tousse. Elle
suffoque. Elle sent très distinctement son épuisement et la rigidité de ses membres.
Une crampe
terriblement douloureuse la foudroie au mollet droit.
Elle avale de
nouveau de l’eau.
Elle ne
parvient plus à tenir à la surface.
Ses jambes ne
lui obéissent plus et pèsent de plus en plus lourd. Elles l’entraînent vers le
fond comme un poids.
Sa tête s’enfonce
sous l’eau.
Elle finit
par disparaître sous la surface.
lundi 27 avril 2020
Log book # 41
Ce qu’il trouvait
toujours de plus intéressant chez les femmes durant le coït, c’était leur
visage. Mais il devait reconnaître que le visage de Christine était le visage
le plus éteint de tous les visages, entre les femmes avec qui il avait joui.
S’ennuyait-elle
pendant l’acte sexuel ? Était-elle fatiguée ? Faisait-elle l’amour à contrecœur ?
Ou bien cachait-elle, sous la surface impassible de son visage, des sensations
qu’il ne pouvait soupçonner ?
Il avait déjà
évidemment pensé à le lui demander, mais il leur arrivait quelque chose de
singulier, dès qu’ils s’approchaient l’un de l’autre et que leurs corps s’entremêlaient,
ils perdaient complètement l’usage de la parole. Il n’avait jamais très
bien su comment s’expliquer ce mutisme, ce silence dans lequel ils plongeaient.
Au début, il
lui avait chuchoté des mots obscènes à l’oreille, pour faire poindre une
quelconque réaction en elle, mais son visage restait tout aussi impassible ou
bien elle ébauchait un tranquille sourire d’indulgente sympathie.
À plusieurs
reprises, il lui avait également susurré : Ça te plaît ? Elle
ne répondît rien ou bien hochait tout bonnement la tête, coupant net toute
résonnance vicieuse à laquelle il s’attendait.
Il avait donc
fini par ne plus dire de mots obscènes et ne lui demandait plus du tout si ça
lui plaisait.
D’ailleurs,
Christine était bien plus entreprenante que lui lors de leurs ébats amoureux. Il
s’était très vite résigné à devenir silencieux et ne faisait que lui livrer son
corps.
Quand il y
songeait, il se rendait compte qu’il était lui-même coupable du mutisme de
leurs nuits. Il s’était forgé d’elle, l’amante, une image caricaturale qu’il
dressait maintenant devant lui et qu’il était incapable d’enjamber pour accéder
à la véritable Christine, à ses émotions, à ses sens et à ses ténèbres obscènes.
Il l’aimait
comme une amie intelligente, fidèle, irremplaçable et non plus seulement comme
une maîtresse. Il lui était devenu impossible de séparer la maîtresse de l’amie.
Pourquoi
veut-elle encore coucher avec moi ? se demandait-il souvent, mais il ne
parvenait pas à trouver une réponse claire et logique.
Il ne savait
qu’une chose, que leurs coïts taciturnes étaient inéluctables et ce depuis que
cette histoire insensée lui était tombée dessus par surprise.
Si l’on
écrivait une biographie de lui, on pourrait résumer cette période de son existence
en disant ceci : sa liaison avec Christine avait marqué une nouvelle étape
dans sa vie plutôt creuse et décousue. Il n’avait pas su, lors de leur rencontre
quoi faire de cette attraction mutuelle. Il était excité, son cœur tambourinait,
mais il était déjà piégé, figé et embourbé dans une relation matrimoniale
conventionnelle. Que faire de Christine et comment en découdre avec cet encerclement
magique ?
Cette femme
avait une telle audace intellectuelle et une personnalité tellement fervente qu’il
s’était laissé impressionner, dès leur premier contact.
Elle contenait
en elle une assez forte dose de provocation qu’elle usait comme une arme de combat,
sans pourtant dépenser trop d’énergie superflue, en se servant pour cela d’une sorte
de niveau à bulle intellectuel.
Avec lui,
elle était à tout moment précise et prudente, comme un diplomate, tout le
contraire de ce qu’elle était dans sa vie avec les autres, où elle avait un
fâcheux penchant pour la confrontation et l’extrémisme.
Comme tout
homme, au début de sa vie érotique, il avait connu l’excitation sans réelle
jouissance et maintenant, qu’il avait pris de l’âge, il réfléchissait à la jouissance
sans excitation.
Tout homme a
deux biographies érotiques : la première se compose d’une vaste liste de
liaisons et de rencontres amoureuses plus ou moins fugaces et d’une cohorte de
femmes qu’il aurait voulu avoir mais qui lui ont plus ou moins échappé, pour
une raison ou pour une autre.
Il avait toujours
su comment faire jaillir l’étincelle entre lui et n’importe quelle femme. Sa
première biographie était ainsi plus fouillée et complète que la seconde, dans laquelle
il incluait Christine sans hésitations.
Christine est,
sans l’ombre d’un doute, la femme qu’il a le plus aimée au monde, mais aussi
celle qui lui a échappé, dès le premier jour, et qui lui échappe encore aujourd’hui,
car elle ne tient à la vie que par un mince fil.
Malgré l’immense
joie qui émane d’elle, il suffit de très peu pour la retrouver de l’autre côté
de la frontière, au-delà de laquelle plus rien n’a de sens : l’amour, les
convictions… Elle est une nihiliste au plus profond de son être.
Il avait, au
long de ces années avec elle, perdu toute sa spontanéité et ressentait
maintenant une fatigue insupportable. Il n’y avait plus moyen de continuer à
ses côtés. Il se trouvait clairement en passe de franchir le pas et de
traverser de l’autre côté de la frontière.
Ils ne se
voyaient plus que très rarement et lorsqu’il se libérait , à grand peine, pour
la retrouver, il n’avait pas de temps à perdre, car il devait retourner très
vite s’acharner à son travail ou tout bonnement rentrer chez lui, où il était
attendu.
C’était à chaque
fois pareil, ils se déshabillaient à la hâte, après avoir bavardé un instant. Ils
se dépêchaient tous les deux et, cette précipitation devenait assez ridicule,
et les laissait, chaque fois, à quelques millimètres de la frontière au-delà de
laquelle les choses n’ont plus de sens.
Les choses se
répètent et perdent chaque fois une fraction de leur sens. La dose admissible
de répétitions se réduit et puis vient la cassure irrémédiable, qui s’inscrit
dans le temps, à une seconde précise de notre vie, à un endroit déterminé.
Le visage même
de Christine n’était plus que le souvenir de son visage d’autrefois. Tout comme
son corps, il semble avoir vieilli d’une centaine d’années.
Il suffit de
si peu pour que les choses bougent imperceptiblement et, ce pour quoi on aurait
donné sa vie une seconde avant, soudain apparaît comme un non-sens où il n’y a
plus rien, seul le vide total.
Il était
probablement las du visage et du corps vieilli de Christine. Ils ne s’étaient
probablement jamais vraiment compris, même s’ils paraissaient être toujours d’accord
sur tout.
Chacun interprétait
finalement à sa façon les paroles de l’autre, même s’il semblait y avoir entre
eux une merveilleuse harmonie, c’était une solidarité tacite qui ne pouvait
être fondée que sur l’incompréhension.
Il le savait bien
et il s’y complaisait presque, mais il lui fallait désormais franchir le pas qui
le séparait de l’autre côté de la frontière.
dimanche 26 avril 2020
Log book # 40
Qui est
Christine ?
C’est une
femme qui a la cinquantaine. Divorcée depuis des années. Mère de deux garçons
jumeaux.
Elle a eu,
autrefois, un mari avec qui elle s’entend encore bien. Ils n’ont pas eu d’enfants
quand ils étaient en couple, mais il a eu lui aussi, avec son actuelle
compagne, ironie du destin, deux petites filles jumelles, qui ont maintenant dix
ans.
Puis, il y a
le père de ses enfants, de qui elle est tombée éperdument amoureuse, à la suite
de son divorce, avec qui elle s’est aussi mise en couple, mais cette relation a
elle aussi très vite explosé.
Il faut dire
que Christine a un caractère très difficile et un tempérament rageur et colérique.
Elle n’est pas taillée pour des relations à la guimauve.
La vie de
couple, la vie à deux, et toutes les compromissions que cela présuppose, ce
n’est pas sa tasse thé et c’est bien là, la raison pour laquelle, elle a choisi
de n’avoir que des relations intermittentes.
Elle est indéniablement
douée pour les amours extra-conjugaux, sans attaches, sans liens d’aucune sorte.
Peut-être bien est-ce parce qu’elle aime l’audace et les défis insurmontables. Ça
exige d’elle des trésors d’ingéniosité, et de l’ingéniosité, elle en est
abondamment pourvue.
Certainement,
les rendez-vous d’amour en plein air lui manquent, mais elle trouve somme toute
son compte dans cette relation secrète, qu’elle entretient, depuis quelques
années déjà, loin de tous les regards indiscrets et importuns.
Et pourtant,
il lui arrive encore parfois, au bout de tout ce temps, de souffrir d’une
certaine gêne, qu’elle n’avait jamais connue auparavant, avec ses autres
partenaires. Il lui arrive d’avoir du
mal à trouver les mots qu’il faut en sa présence et elle a une certaine réserve
érotique, envers lui, comme si elle voulait éviter, le plus longtemps possible,
le dégoût que ne manquerait pas de lui inspirer les instructions et les
précautions triviales dont l’amour physique ne peut, malheureusement, se
passer, et ce même si elle se sait irraisonnablement amoureuse de cet homme.
Le plus souvent,
il lui parle d’une voix froide et passablement méprisante. Elle se sent fortement
humiliée et a envie d’en pleurer ou bien, il la laisse sans nouvelles, des semaines
durant, tout en sachant pertinemment que cela la met totalement en rogne et peut
même la pousser jusqu’à une rage folle et une colère irréfléchie.
Elle se tourmente
alors, des jours durant et souffre du spectacle de sa propre misère
redécouverte.
Contre cette
misère, elle ne réclame que de l’amour, le regard magique de l’amour. Ce désir
d’absolu d’amour n’est en réalité, chez elle, qu’un désir d’identité absolue,
mais dès que cette illusion de l’identité absolue est brisée, l’amour devient
une source permanente de grand tourment. Elle le sait, elle en fait les frais à
chaque moment.
Mais plus on
avance en âge, plus on acquiert une profonde expérience de notre commune
imperfection humaine et on se met ainsi à l’abri des chocs émotionnels les plus
violents, et le spectacle de notre misère d’amour, propre à l’âge de l’inexpérience
et de la jeunesse, devient une chose plutôt banale et sans intérêt aucun.
À notre
tourment amoureux succède alors un désir de vengeance dont le but est d’obtenir
que le partenaire se sente pareillement misérable.
Christine était
passée maître en la matière et était devenue une experte mondiale du chantage émotionnel,
ayant appris avec les meilleurs et ayant bien retenu la leçon.
Elle le faisait
souvent souffrir pour qu’ils se sentent égaux et persévèrent ainsi dans leur
amour. Comme la vengeance ne peut jamais totalement révéler son véritable
motif, conscient ou inconscient, elle devait chaque fois invoquer de fausses
raisons.
Elle usait
donc d’une pathétique hypocrisie et elle s’attendait toujours à ce qu’il se décidât
à la quitter pour de bon, mais ils finissaient, à chaque fois, par se
sparadraper et panser leurs plaies, tant bien que mal.
Christine l’adore
et il le sait.
Depuis le
premier jour, elle le divinise et se soumet à tous ses caprices, à tous ses désirs
les plus fous et insensés, parfois sans objection aucune, alors qu’elle a une
personnalité indépendante, forte et critique dans tous les autres domaines de son
existence.
Elle l’admire
si profondément qu’elle s’oublie, et lui parfois s’irrite de son excessive
soumission et devient, par moments, agressif et corrosif, presque sadique, transformant
son émotion en déconvenue.
Souvent, il
ne sait pas se conduire et cela la peine au plus profond de son âme. Elle y entrevoit
une certaine forme de mysoginie qui lui déplaît plus que tout et elle n’hésite
pas à le lui dire, avec maints reproches, mais elle finit toujours par perdre pied
et n’est, à la fin, plus du tout sûre de ses jugements. Il finit par retourner
la situation en son propre bénéfice, comme un fin stratège de la ruse, et remporte
la partie en un tour de main.
Elle le
comprend, néanmoins, comme personne d’autre, et le comprendre, c’est se
confondre et s’identifier à lui. C’est ça le mystère et la poésie de cette
union.
Elle se
consume en lui, dans l’idée qu’elle a de lui, elle brûle en lui. Ce lien clandestin
l’émeut encore de façon invraisemblable, passées toutes ces années.
Elle a encore
envie de hurler de joie, lors de leurs étreintes silencieuses. Elle déborde encore d’un immense enthousiasme,
lors de leurs retrouvailles. Leur liaison est comme une longue pellicule cinématographique projetant un film captivant plein de trouble, d'attente, d'explosion, de douleur, d'émotion et de haine tourmentée. C'est quelque chose de bien singulier.
Ils parlent
le langage du souffle et du toucher abolissant la pesanteur des mots. Ils perdent l'usage de la parole dès que leurs corps nus s'étreignent. Ils flambent
tous deux de la même flamme, dans un silence obstiné. Elle n'a jamais vraiment réussi à s'expliquer ce mutisme. C'était peut-être parce qu'en dehors de leurs relations amoureuses, il ne leur restait rien d'autre qu'un néant, un vide gigantesque.
Il lui semble toujours aussi irréel, insaisissable et lointain. C’est là que réside son profond mystère qui lui suscite une attirance, sans cesse, renouvelée.
Il lui semble toujours aussi irréel, insaisissable et lointain. C’est là que réside son profond mystère qui lui suscite une attirance, sans cesse, renouvelée.
Que reste-t
’il de cette histoire ? Qu’en restera-t ’il dans quelques années ?
Très probablement,
un long poème façonné par la main d’une graphomane, tout à fait incorrigible.
samedi 25 avril 2020
vendredi 24 avril 2020
Log book # 38
« The
pleasure of the text is that moment when my body pursues its own ideas – for my
body does not have the same ideas as I do. »
Roland
Barthes, from The Pleasure of the Text
Il faut bien
que je donne un nom à mon personnage.
Cette héroïne est mienne et n’appartient qu’à moi (et je lui suis très attachée).
Je vais lui donner le nom de Christa. Un nom exotique à souhait, et très symbolique par ailleurs.
Cette héroïne est mienne et n’appartient qu’à moi (et je lui suis très attachée).
Je vais lui donner le nom de Christa. Un nom exotique à souhait, et très symbolique par ailleurs.
J’imagine qu’elle
est charmante, de taille moyenne, qu’elle a la quarantaine et qu’elle est de Berlin.
Je la vois en
pensée descendre une rue d’une petite ville de province, dans le sud-ouest. Oui,
vous l’aurez remarqué, je désigne sa ville natale qui est loin, mais je passe
sous silence la ville où a lieu mon récit. C'est ainsi que je décide de prendre des libertés narratives. C'est ma prérogative!
Christa
travaille comme serveuse dans un petit café, de cette petite ville, depuis déjà
quelques années. La salle est toujours à moitié vide et elle sert
invariablement un café, ou un cognac ou un pastis. Les clients l’aiment bien. Il
y en a toujours qui souhaitent bavarder et elle sait écouter. Mais écoute-t
’elle vraiment ou fait-elle semblant ? Ce qui compte c’est qu’elle ne les
interrompt jamais. Elle ne leur coupe jamais la parole pour faire part de sa
propre réflexion. Elle ne tient absolument pas à parler d’elle-même.
L’autre soir,
un des clients qui lui parle depuis près d’un an, lui confie qu’il veut écrire
un livre.
« Un
livre ? Et sur quoi ? »
« Sur le
monde tel que je le vois. »
« Et
vous saurez écrire un livre ? » demande Christa.
« Pourquoi
pas ? Il faut juste que je me renseigne un peu, pour voir comment on s’y
prend. Ça n’a pas l’air très sorcier. Des tas de livres sont écrits tous
les jours, par des tas de gens. »
Christa avait
souvent l’impression que plusieurs murs circulaires s’élevaient autour d’elle. Sa
propre histoire était tragique et elle aurait pu en faire un livre, mais elle
ne souhaitait en parler à personne.
Elle se
voyait sur un radeau à la dérive et elle regardait en arrière. Elle ne voyait
que son passé mais celui-ci était de plus en plus pâle. Sa mémoire aussi l’abandonnait
et lui soulevait des doutes.
Depuis toujours,
depuis toute petite, Christa avait pris le goût et l’habitude d’écrire des
carnets. Dans sa jeunesse, elle en remplissait des pages et des pages mais très
vite elle s’en lassa et bon nombre de pages étaient restées à moitié remplies,
ses notes devenant très fragmentaires.
Elle possédait
à peu près un carnet pour chaque année de sa vie, depuis le début de son adolescence.
Elle y notait tous les événements importants, les souvenirs qui seraient autant
de points de repère plus tard, avec le passage du temps et son grand lessivage et
seraient la seule possibilité qu’elle aurait de reconstruire un passé qu’elle
ne pouvait tolérer qu’il se perde irrémédiablement.
Lorsqu’elle
relisait ses premiers carnets, elle parvenait à reconstituer tant bien que mal
la plupart des moments importants de son existence, des moments de joie et de
conquête, mais aussi pas mal de choses plutôt déplaisantes, insatisfaisantes, humiliantes,
des disputes et des ennuis divers.
Son passé maintenant
se contracte, se défait, se dissout, devant ses yeux. Elle-même rétrécit et
perd ses contours à cause de cette vilaine maladie. L’édifice chancelant de ses
souvenirs s’affaisse et Christa disparaît lentement, il ne va bientôt plus rien
rester d’elle, juste un petit point invisible, un néant qui avance
inexorablement vers la mort.
Et somme
toute, elle n’aura vécu qu’une vie tout à fait banale, ordinaire. Rien de
véritablement original. La plus grande aventure de notre vie est l’absence d’aventures,
écrivait précisément James Joyce.
Christa
commençait à souffrir d’une insomnie chronique depuis qu’avait éclaté cette
horrible crise sanitaire provoquée par le Coronavirus, au début de l’année.
Le petit café
où elle travaillait avait dû fermer ses portes. De toutes façons, il n’y avait
plus du tout de clients et elle avait fini par devoir, comme tant d’autres, s’inscrire
au chômage jusqu’à la réouverture de l’établissement.
Elle était
confinée dans son studio de 25 m2 et tournait en rond, à longueur de
journée, tel un fauve en cage. Elle avait totalement perdu le sommeil, lors des
premiers jours du Grand Confinement. Elle essayait néanmoins de garder la tête
sur les épaules et avait conservé sa force de vivre. Elle sortait très peu et
ses sorties se limitaient à aller se réapprovisionner à la supérette du coin de
la rue où elle croisait ses voisins qui avaient tous un air aussi blafard et fantasque
qu’elle.
Elle s’était entretemps
transformée en une véritable graphomane. Une envie irrésistible d’écrire était
revenue en puissance et elle remplissait maintenant son carnet à bon train.
C’était, elle
le savait, une activité on ne peut plus inutile, mais en ce moment d’isolement
généralisé et de distanciation sociale, c’était devenu sa seule échappatoire. Ce
vide autour d’elle était le moteur qui la poussait à écrire aussi abondamment
qu’autrefois.
Elle s’entourait
de ses propres mots, comme d’un mur de miroirs qui ne laissait filtrer aucune
image, ni aucune voix du dehors.
Son salaire
suffisait à peine à payer son loyer et sa nourriture. Si elle devait ne plus
retrouver son boulot, après le déconfinement, qui était sans cesse reporté, sa
situation serait on ne peut plus précaire. Elle était épouvantée à cette idée.
Autour d’elle,
régnait désormais un silence incroyable. Elle rêvassait, au long de ses trop
longues journées, de vacances au bord de la mer.
Le silence résonnait
de plus en plus fort dans son studio mansardé. Elle était désormais résolue à
vivre en silence et pour le silence. Elle commençait à s’intéresser à tout un
tas d’idioties qui passaient à la télé pour se distraire.
Puis, vint enfin
le déconfinement au bout de trois longs mois de réclusion. Christa reprit son
travail de serveuse. Elle continua de servir et d’écouter parler les gens. Elle
notait maintenant toutes leurs confidences dans ses carnets. Car de son
existence, elle ne souhaitait souffler mot.
jeudi 23 avril 2020
Log book # 37
Rire ? Se
soucie-t ’on assez de rire ? Rire vraiment, au-delà de la plaisanterie, de
la moquerie, du ridicule. Rire. Simple jouissance.
Pourrait-on par
ces temps difficiles jouer à rire ? Rires forcés. Rires ridicules. Rires
si ridicules qu’ils nous entraînent à rire délicieusement sans motif. Le vrai
rire. Le rire entier qui nous emporte dans son déferlement inconséquent,
immense et délicieux. Rires éclatés. Rires déchaînés. Rires magnifiques. Fous
rires. Rire à l’infini du rire de nos rires. Rire. Un manifeste mystique de la
joie !
Ne pas s’aliéner
à sa propre essence animale, manger, boire, uriner, déféquer. Tout devient
jouissance par le rire. Toucher, entendre, être là, se plonger dans l’eau,
regarder le ciel, les fleurs, pleurer et rire ! Danser aussi, dans une
ronde. Aller jusqu’au bout de la jouissance. Rire, comble extrême de la
jouissance. Se réjouir d’être. Rire sans souvenir et sans désir. Rire pour
échapper à l’encerclement, au confinement.
J’ai ouvert,
hier, au hasard, rien que pour le flairer un peu le bouquin Rhinocéros qui est
une pièce de théâtre, d’Eugène Ionesco, dont les personnages, possédés du désir d’être
semblables l’un à l’autre, se changent tour à tour en rhinocéros. Je suis
tombée sur ce passage, assez hilarant :
« Le
logicien, au vieux monsieur : Prenez une feuille de papier, calculez. On enlève
deux pattes aux deux chats, combien de pattes restera-t ’il à chaque chat ? »
« Le vieux
monsieur, au logicien : il y a plusieurs solutions possibles. Un chat peut
avoir quatre pattes, l’autre deux. Il peut y avoir un chat à cinq pattes et un
autre chat à une patte. En enlevant les deux pattes, sur huit, des deux chats,
nous pouvons avoir un chat à six pattes et un chat sans pattes du tout. »
Un rire
forcé, ridicule, si ridicule que l’on ne peut faire autrement qu’en rire. Puis,
vient le vrai rire. Un rire éclaté, bousculé, débridé, repris. Une explosion de
rire, magnifique, somptueuse et folle. Rire de son rire jusqu’à l’infini du rire!
Oh rire ! Quelle jouissance !
Rire pour combler dans son crâne le cri du vide qui se révolte.
Mourir dans le tournoiement de la ronde.
Mourir de rire!
S’introduire frénétiquement dans l’interstice du néant.
Oh rire ! Quelle jouissance !
Rire pour combler dans son crâne le cri du vide qui se révolte.
Mourir dans le tournoiement de la ronde.
Mourir de rire!
S’introduire frénétiquement dans l’interstice du néant.
mercredi 22 avril 2020
Log book # 36
« Pourquoi
nous créons-nous des pays légendaires, s’ils doivent être l’exil de notre cœur ? »
Le fou d’Elsa, Aragon
Le fou d’Elsa, Aragon
Hier, je suis
arrivée au bout de ma première quarantaine et j’entame, aujourd’hui, la seconde,
avec un pincement au cœur.
Je me demande, en effet, combien d’autres quarantaines j’aurais encore, devant moi, jusqu’à l’hypothétique découverte d’un vaccin, qui viendra mettra un terme à cette épidémie ultra mondialisée, qui touche désormais plus de la moitié de l’humanité.
Je me demande, en effet, combien d’autres quarantaines j’aurais encore, devant moi, jusqu’à l’hypothétique découverte d’un vaccin, qui viendra mettra un terme à cette épidémie ultra mondialisée, qui touche désormais plus de la moitié de l’humanité.
Depuis le
début de ce Grand Confinement, je reçois un bon nombre de messages et d’appels
de collègues en télétravail, d’amies enseignantes, confinés avec mari/épouse et
enfants pour la plupart et tous font référence à cette nouvelle intimité
forcée, qui est autant une occasion de rapprochement que de tensions et de
chamailleries quotidiennes.
Ils m’envoient
aussi des photos d’eux-mêmes/d’elles-mêmes, chevelu(e)s et barbus, en tenue
débraillé(e) ou en pyjama, ou très coquettement vêtu(e)s et entouré(e) s de leur
souriante famille, et de leurs chiens et chats, batifolant sur le gazon, on se
croirait presque dans Cinquante Millions d’Amis!
Je reçois aussi des photos de leurs balcons fleuris, ou pour les plus chanceux, de leur jardin et/ ou de leur potager.
Je reçois aussi des photos de leurs balcons fleuris, ou pour les plus chanceux, de leur jardin et/ ou de leur potager.
Il y a bien
sûr l’amie qui travaille ou se prélasse, dans son grand jardin, où l’on aperçoit
une luxuriante pelouse, au bout duquel on entrevoit aussi une belle piscine; celui qui vient d’être
père et pose avec son nouveau-né, dans les bras; celui qui, habituellement
rasé de près, arbore maintenant une impressionnante barbe de patriarche et une
tignasse à la Robinson Crusoé; celles qui ont fabriqué des masques en tissu et
les arborent fièrement. Moi, curieusement,
je me suis mise en grève, côté couture et travaux manuels, allons comprendre pourquoi…
Malgré l’éloignement
physique, fruit de cette fameuse distanciation sociale obligatoire, on arrive
ainsi quelque peu à maintenir ou renforcer nos liens.
Je m’aperçois
que mes collègues de travail, même les plus introverti(e)s, ressentent à présent, eux/elles aussi, le besoin de discuter un peu, de prendre des
nouvelles ou simplement de parler un peu des petits riens de leur quotidien et
souvent avec un humour qu’on leur méconnaissait.
Ces « small
talks », ces échanges de conversations informelles et de banalités sont, somme
toute, très positifs pour garder le moral au beau fixe. Cependant, les
mêmes habitudes et les traits de caractère qui, autrefois, prêtaient à sourire peuvent
aussi nous agacer, maintenant.
J’avoue que je
me suis déjà énervée du comportement laxiste affiché par certain(e)s collègues,
face au virus, lorsqu’ils/elles m’avouent ouvertement qu’ils/elles vont
tous les jours au supermarché ou se balader dans les parcs.
Je me suis
rapprochée de certaines personnes avec qui je n’avais pas forcément tissé une relation très forte, jusqu’à présent, et j’ai réussi l’exploit de m’écharper et même de me brouiller
avec d’autres, pourtant ami(e)s de longue date.
L’une de mes
récentes incartades s’est justement produite à cause d’une discussion sur l’imprévisibilité
de la fin de cette crise sanitaire et de ses conséquences sur notre futur.
Moi, qui devient une fervente « réfléchisseuse » sur notre projection dans un avenir différent et la construction de nouveaux imaginaires sociaux et économiques, qui me penche sur des questions bien concrètes et qui s’imposent à mes yeux, dans l’après-covid, du type comment repenser notre société malade, etc… je ne supporte plus les ricanements moqueurs et cyniques et qu’on vienne me parler des vieux schémas d’hier. Je n’admets plus qu’on me parle de revenir à ma vie d’avant.
Moi, qui devient une fervente « réfléchisseuse » sur notre projection dans un avenir différent et la construction de nouveaux imaginaires sociaux et économiques, qui me penche sur des questions bien concrètes et qui s’imposent à mes yeux, dans l’après-covid, du type comment repenser notre société malade, etc… je ne supporte plus les ricanements moqueurs et cyniques et qu’on vienne me parler des vieux schémas d’hier. Je n’admets plus qu’on me parle de revenir à ma vie d’avant.
Au XXe
siècle, on rêvait d’aller sur la Lune, de voitures volantes ou de cuisines
équipées d’électro-ménagers robotisés.
Aujourd’hui,
la donne a changé. Ce modèle de fonctionnement consumériste, ce capitalisme
néo-libéral qui a trahi tous les rêves, asservi et affamé la moitié de la
planète n’a plus raison d’être. Il est moribond. Il faut lui assener le coup de
grâce !
La société
doit se régénérer et accompagner une nouvelle pensée de l’homme qui donne envie
de vieillir sereinement. Il nous faut construire un monde où nos enfants ne
soient ni à la merci de l’intelligence artificielle, ni obligés de devenir des
semi-robots.
Plutôt que de
modifier nos sociétés par la violence et le sang, la guerre et l’affrontement,
il vaut mieux prendre la voie douce, d’un imaginaire désirable, d’un futur enviable
pour tous.
L’enjeu maintenant
n’est pas d’être pour ou contre le progrès technologique et scientifique, mais
de l’utiliser au profit de tous et non d’une poignée de privilégiés.
Quel projet
de société souhaitons-nous pour l’après-confinement ? Quelles priorités
économiques et sociales ? Quelles politiques pour l’environnement et la
santé ? Quelle éducation post-crise du Covid-19 ?
Pour ma part,
j’estime qu’il nous faut une société respectueuse des ressources naturelles. Il
faut à tout prix protéger l’eau, l’air, les sols et tous les écosystèmes. Repenser
nos modèles d’urbanisation. C’est un combat qui s’impose pour protéger et
sauver toute l’humanité.
La santé et l’éducation
doivent être un droit universel. Le système éducatif devrait être
considérablement revu. Il faudrait enseigner de façon à développer l’esprit
critique, le raisonnement scientifique, le respect de la liberté d’autrui.
Il faut enseigner
à respecter notre relation au vivant et améliorer nos pratiques démocratiques.
En somme, il
faut que l’on grandisse, que l’on passe de l’âge d’enfants gâtés jamais
satisfaits à l’âge d’adultes instruits et responsables.
Certainement
tout ceci nous fait repenser aux « Oasis Nature » dont parle Hubert
Reeves. Ça semble utopique, mais c’est un petit bout de rêve que l’on peut
rendre accessible en attendant mieux.
Et pour
conclure sur ce point, je reprends les propos de l’historien Alain Corbin qui
affirme, dans son dernier ouvrage Terra Incognita :
« Rien
ne soude plus les hommes que leurs ignorances communes. Sans doute parce qu’elles
sont liées à la peur, elles constituent un véritable ciment, pour faire société.
Mais aujourd’hui, du fait de la complexité et de la diversité des savoirs, les
gens, selon la formation qu’ils ont reçue, n’ont pas les mêmes ignorances. Cela
pèse sur les relations interpersonnelles, gène les échanges entre individus, ce
qui peut sembler paradoxal, à l’heure de l’hyperconnexion et des réseaux
sociaux. »
À nous de
dépasser nos ignorances.
mardi 21 avril 2020
Log book # 35
Au mois de décembre de l’année du Seigneur 2019, les gens de la Province Chinoise du Wuhan tombèrent gravement malades,
atteints par un coronavirus meurtrier, le COVID-19. Puis, ce virus se propagea au monde entier et les gens sucombèrent par millions.
Mon frère et
moi avons pu échapper à cette pandémie et à la troisième guerre mondiale qui s’ensuivit.
Nous sommes pour ainsi dire les témoins vivants de cette époque.
Ce fut un grand
tournant dans l’Histoire de la Planète Terre. Un moment fatidique comme il y en
a un ou deux par millénaire.
Tous les
enfants connaissent plus ou moins cette période de notre Histoire révolue pour
l’avoir vu reproduite, en des milliers d’images sur la Toile, dans les manuels
scolaires électroniques ou dans nos musées virtuels. La même chose se passe
avec l’Holocauste, qui a eu lieu au siècle passé, sur la planète où je suis né.
La plupart de mes concitoyens, sur notre planète de résidence actuelle – Mars, se demandent même si une telle horreur a pu réellement se produire. C’est ce qu’on appelle, de nos jours, la lutte de la mémoire contre l’oubli.
La plupart de mes concitoyens, sur notre planète de résidence actuelle – Mars, se demandent même si une telle horreur a pu réellement se produire. C’est ce qu’on appelle, de nos jours, la lutte de la mémoire contre l’oubli.
Est-il vraiment
possible que cela ait eu lieu ? me demande-t ’on souvent. Cela a vraiment eu
lieu, mais je dois vous avouer que le souvenir que j’en garde, dans ma mémoire,
au fil du temps, s’estompe et le rend presque invraisemblable.
Je suppose
que tous les souvenirs sont comme ça. Ils planent quelque part dans les airs.
Tout ce dont je me rappelle de cette époque lointaine de ma vie sur Terre, c’est que nous menâmes, durant de longs mois, lors du Grand Confinement, une vie hors du commun.
La moitié de la planète était, en effet, confinée pour éviter la propagation du virus, l’autre moitié essayait de produire et de continuer à alimenter la population mondiale.
Mais tout commençât, très vite, à aller mal. Les économies des pays ont été rapidement ruinées et se sont effondrées, les unes après les autres, comme un château de cartes. Les dictateurs de tout acabit ont, rapidement, fait main mise sur tout ce qu’ils avaient convoité, mais jamais osé approcher, et ont exercé un large chantage sur les autres nations, qui avaient désespérément besoin d’être approvisionnées, notamment en denrées alimentaires.
Tout ce dont je me rappelle de cette époque lointaine de ma vie sur Terre, c’est que nous menâmes, durant de longs mois, lors du Grand Confinement, une vie hors du commun.
La moitié de la planète était, en effet, confinée pour éviter la propagation du virus, l’autre moitié essayait de produire et de continuer à alimenter la population mondiale.
Mais tout commençât, très vite, à aller mal. Les économies des pays ont été rapidement ruinées et se sont effondrées, les unes après les autres, comme un château de cartes. Les dictateurs de tout acabit ont, rapidement, fait main mise sur tout ce qu’ils avaient convoité, mais jamais osé approcher, et ont exercé un large chantage sur les autres nations, qui avaient désespérément besoin d’être approvisionnées, notamment en denrées alimentaires.
Puis, l’impensable,
arriva.
Une guerre
civile éclata aux Etats-Unis, puis au Brésil, avec des populations armées jusqu'aux dents et prêtes à tout. La Russie envahit, en une nuit, les
pays Baltes et se préparait ouvertement à la reconquête de tous les anciens
états de l’ancien giron soviétique.
En Asie, la
Corée du Nord lança une bombe atomique sur la Corée du Sud et une autre sur le
Japon. L’Union Européenne s’écroula et fut démantelée, en l’espace d’une semaine,
laissant les 27 États membres livrés à eux-mêmes.
Tout ceci était d'autant plus surprenant que, jusque-là le cours de l’Histoire semblait évoluer en vitesse de croisière, le monde s’étant passablement rétabli de la Grande
Crise financière de 2008.
Ces événements inattendus s’inscrivirent, dans nos mémoires, comme la 3e Guerre Mondiale, qui s’ensuivit au Grand Confinement, et qui fut véritablement la toile de fond, devant laquelle, la banalité de nos vies privées déroulait son spectacle captivant.
Ces événements inattendus s’inscrivirent, dans nos mémoires, comme la 3e Guerre Mondiale, qui s’ensuivit au Grand Confinement, et qui fut véritablement la toile de fond, devant laquelle, la banalité de nos vies privées déroulait son spectacle captivant.
Aujourd’hui,
le temps avance, pour moi, à grands pas, mais je me souviens que, durant cet
événement historique, le temps était suspendu et la planète Terre fut mise à l’arrêt, pour de longs mois, provoquant de la sorte une rupture totale des systèmes
économiques nationaux, les uns après les autres, frappant durement les
populations les plus vulnérables et les plus pauvres.
La production
agricole collapsa très vite, par faute de main d’œuvre et les biens de première
nécessité vinrent à manquer, au bout de quelques mois, provoquant des
manifestations violentes, puis des émeutes sanglantes, qui furent violemment
réprimées.
Les pouvoirs publics et les forces policières et de l’armée n’étaient plus à même d’endiguer ce flot de mécontentement et de violence meurtrière.
Les pouvoirs publics et les forces policières et de l’armée n’étaient plus à même d’endiguer ce flot de mécontentement et de violence meurtrière.
Des guerres
civiles éclatèrent d’abord aux EUA, puis au Brésil, puis un peu partout. Des
milices populaires, armées jusqu’aux dents, tiraient, arbitrairement, sur tout ceux
qui leur semblaient potentiellement suspects.
Les cadavres
étaient laissés à l’abandon, dans les rues, à la merci des charognards et autres
animaux qui avaient envahi les villes. Puis ce qu’il en restait, était retiré par
les équipes sanitaires de l’armée et enseveli, sans aucune indentification, dans
des fosses communes, aspergées de chaux.
Ces foyers de
conflits se multiplièrent et se répandirent à l’échelle planétaire.
Le monde était allumé comme une poudrière gigantesque et très vite, la 3e Guerre Mondiale éclata, à la suite du lancement des bombes atomiques, par la Corée du Nord.
Le monde était allumé comme une poudrière gigantesque et très vite, la 3e Guerre Mondiale éclata, à la suite du lancement des bombes atomiques, par la Corée du Nord.
Les velléités
belligérantes et les alliances, de toujours, éclatèrent au grand jour. Chaque petit
despote, dans son coin, avait fini par déclencher sa propre petite guerre et l’irréparable
avait eu lieu.
En ces jours
lointains, sur la Planète Terre, nous vivions avec notre mère malade, dans une
solitude coquette de confinés privilégiés.
Nous ne
manquions, au début, de rien, car il y avait suffisamment d’argent pour acheter
les fruits et les légumes les plus frais, la viande et le poisson en quantité
suffisante; toutes les denrées alimentaires nécessaires à une bonne alimentation, destinée à nous conserver en bonne santé, jusqu’au retour escompté à la
normalité. Notre mère y veillait avec le plus grand zèle.
La plupart du
temps, les événements historiques s’imitent les uns les autres, sans grande
innovation, mais il me semble qu’avec le Grand Confinement, l’Histoire a mis en
scène une situation jamais expérimentée auparavant.
La Russie
avec, à sa tête, le grand Tsar Poutine ne pouvait tolérer la chute de l’UE et
les risques d’éclosion de guerres civiles, dans les pays voisins de sa chère
Russie et décida d’avancer, avec un nouveau Blitzkrieg, sur les anciens territoires des états
périphériques, qui avaient autrefois constitué la grande URSS.
Il commença par déployer, sur les pays Baltes, une armée d’un million d’hommes, provoquant un exode massif des populations apeurées et menacées, ce qui déborda totalement les services de contrôle frontaliers de l’ancienne UE et fit réapparaître de nouveaux foyers d’infection au COVID-19, dans des régions qui avaient été déclarées sanitairement exemptes de la présence du coronavirus. Les populations locales se révoltaient et pourchassaient impitoyablement les nouveaux arrivés, pour les faire fuir, et beaucoup de cadavres jonchaient les rues et les places des villes et des villages, dans l’Europe entière, dans le monde entier.
Ces images intolérables, que j’ai si longtemps refoulées, au fin fond de ma mémoire, reviennent maintenant comme un hideux diaporama.
Il commença par déployer, sur les pays Baltes, une armée d’un million d’hommes, provoquant un exode massif des populations apeurées et menacées, ce qui déborda totalement les services de contrôle frontaliers de l’ancienne UE et fit réapparaître de nouveaux foyers d’infection au COVID-19, dans des régions qui avaient été déclarées sanitairement exemptes de la présence du coronavirus. Les populations locales se révoltaient et pourchassaient impitoyablement les nouveaux arrivés, pour les faire fuir, et beaucoup de cadavres jonchaient les rues et les places des villes et des villages, dans l’Europe entière, dans le monde entier.
Ces images intolérables, que j’ai si longtemps refoulées, au fin fond de ma mémoire, reviennent maintenant comme un hideux diaporama.
Un beau matin
d’août, nous fûmes réveillés, en sursaut, par l’épouvantable vacarme d’avions de
combat qui survolaient notre pays.
Nous sortîmes dans la rue en courant et des voisins affolés criaient que nous aussi, nous étions sur le point d’être envahis.
Nous sortîmes dans la rue en courant et des voisins affolés criaient que nous aussi, nous étions sur le point d’être envahis.
En ce
temps-là, moi et mon frère jumeau, nous avions encore la peau couverte d’acné
juvénile et nous avions le sentiment de ressembler aux personnages des tableaux
héroïques, un peu paumés, mais courageux au point de pouvoir en perdre la vie,
surtout s’il s’agissait de protéger notre mère.
L’espace du
monde était devenu quelque chose d’absurdement négatif, une perte de temps, un
obstacle qui freinait tous nos rêves et nos activités. Nous le vivions très mal.
Je me sens
aujourd’hui infiniment las, assailli de nouveau par toute l’absurdité ridicule
de cette époque de ma vie.
Un désir inassouvi
me prend, subitement, d’étendre le bras dans mon passé et d’y frapper du poing,
de lacérer au couteau ce piètre tableau de ma jeunesse.
Je me sens
infiniment fatigué. J’entends au loin le bruit d’un train en circulation, puis
la manivelle manuelle d’un passage à niveau.
Des remous de
ma mémoire agitée, me vient l’image de notre évasion. Nous nous échappâmes,
pendant la nuit, mon frère, ma mère et moi, en voiture, pour aller rejoindre
nos grands-parents à la campagne.
Ce fût un interminable voyage sous le vrombissement menaçant des avions de combat qui survolaient inlassablement le pays. Nous avions tout juste assez de carburant pour parvenir à destination et la peur nous secouait à la seule idée que des routes pouvaient être coupées ou déviées. Il n’y avait plus aucune chaîne de télévision ou de radio en fonctionnement, le monde était en blackout absolu.
Ce fût un interminable voyage sous le vrombissement menaçant des avions de combat qui survolaient inlassablement le pays. Nous avions tout juste assez de carburant pour parvenir à destination et la peur nous secouait à la seule idée que des routes pouvaient être coupées ou déviées. Il n’y avait plus aucune chaîne de télévision ou de radio en fonctionnement, le monde était en blackout absolu.
De cette
époque, que j’essaie depuis toujours d’enfouir, dans les oubliettes de ma mémoire, il
me vient, maintenant que je la convoque, l’image de la maisonnette basse et
blanche, avec une clôture en bois, dans un village de montagne – il s’agit de
la ferme de mes grands-parents. C’est une des photographies-souvenir de mon
ancienne vie. Un passé plein de vie et de joie, jusqu’à ce que se produisent
ces événement funestes.
C’est là que
nous trouvâmes refuge et nourriture, à un moment de nos existences où l’avenir
n’était plus qu’un vide indifférent, qui n’intéressait plus personne. Seule la
survie, la vie au jour le jour avait valeur à nos yeux.
Ce moment
douloureux de notre vie, et tous les êtres chers qui l’ont peuplé, disparaît désormais
comme un cortège qui s’éloigne dans le brouillard.
Le roman de
ma vie est peuplé d’êtres invisibles et oubliés. Je voudrais effacer de ma
mémoire, à tout jamais, le choc et l’effroi , toute la douleur, la souffrance et la solitude et
revenir au bonheur idyllique de notre enfance.
Notre mère s’en
est vite allée dans un monde différent. En promenade, il fallait, vers la fin,
la tenir par le bras, chacun d’un côté, et littéralement la porter sinon le
vent l’aurait balayée.
Nous sentions
avec émotion, dans nos mains, son poids dérisoire et nous comprenions qu'elle appartenait désormais au royaume des créatures plus petites, plus légères
et facilement soufflées par la bourrasque. Ses derniers mois d’existence étaient
comme un lent processus de rétrécissement.
Elle avait
entamé le long voyage à travers la maladie et la mort. Elle cheminait vers les
lointains, vers le néant sans dimensions. Elle était devenue la musicienne du
Grand Silence. Rien ne servait d’essayer d’abolir la Chronologie et de se
révolter contre le Temps.
Il fallait
juste la porter jusqu’au dernier moment.
lundi 20 avril 2020
Log book # 34
Que d’inquiétudes, que d’hésitations durant le Grand Confinement.
Toutes ses recherches, elle y avait investi tant d'efforts – elles étaient devenues, pour elle, une vraie obsession.
Toutes ses recherches, elle y avait investi tant d'efforts – elles étaient devenues, pour elle, une vraie obsession.
Elle ne
pensait plus qu’à cela quand elle regardait n’importe quoi. Il suffit de penser
à quelque chose pour ne plus voir que cela !
Elle le sait
bien, elle ne peut regarder avec attention et amour que ce qu’elle pourrait s’approprier,
ce qu’elle pourrait posséder… elle doit toujours opérer un tri sélectif, tout le reste l’ennuie à en mourir, la rend mal à
l’aise.
C’est aussi
un fait avéré que les choses bonnes ou mauvaises nous viennent toujours par
séries. La fin de la mauvaise série était désormais annoncée. Le Grand Déconfinement allait enfin pouvoir avoir lieu.
Elle sentait
l’impatience, l’excitation monter en elle. C’était stupide d’avoir maintenant
si peur.
Cette excitation
délicieuse, cette confiance, cette allégresse qu’elle ressent tandis qu’elle s’apprête
à ouvrir sa porte; c’est un bon signe, un présage heureux d’un univers
docile, peuplé de génies propices. Tout se réordonne harmonieusement autour d’elle.
L’appartement
est silencieux. Il y a un peu de désordre partout. Tout a maintenant un drôle d’air
étriqué, inanimé, à l’intérieur. Une malveillance sournoise pointe dans ce
désordre, dans ce silence.
Mais elle se sent soudain
envahie par une impression de détresse, d’écroulement, contre laquelle elle
doit lutter à tout prix. Elle doit se méfier d’elle-même, elle se connaît trop
bien. Cela ne peut être que de l’énervement, la contrepartie de l’excitation de
tout à l’heure!
Elle a
souvent de ces hauts et bas, elle passe facilement d’un extrême à l’autre. Elle
doit se recentrer, se concentrer, se recadrer, se raccorder. Elle aime tant
flâner, rêvasser et que les choses se fassent toutes seules, que ça lui tombe
tout cuit dans l’assiette. C’est une lunatique,
une maniaque, une vieille enfant gâtée et insupportable, elle le sait bien.
Elle reprend
haleine. Tout est redevenu sobre, calme, grave et pur, plus aucun désordre n’arrête
son regard. La menace sournoise s’est
dissipée.
Elle est
livrée à elle-même, mais pas d’affolement surtout! Il faut qu’elle ramasse
ses forces pour calmer cette sensation d’étourdissement, de froid, de vide.
Elle fait un grand effort.
Personne n’était venue la voir pendant ces derniers longs mois.
Des journaux gisaient, entassés en piles, sur le parquet du salon, des livres s'amoncelaient également partout, sur les meubles, par terre aussi, le cuir du vieux divan portait les traces des griffes de ses deux chats, les meubles étaient recouverts d'une épaisse couche de poussière, les tapis n’avaient pas été aspirés depuis des semaines.
Des journaux gisaient, entassés en piles, sur le parquet du salon, des livres s'amoncelaient également partout, sur les meubles, par terre aussi, le cuir du vieux divan portait les traces des griffes de ses deux chats, les meubles étaient recouverts d'une épaisse couche de poussière, les tapis n’avaient pas été aspirés depuis des semaines.
Parmi tout
cela, elle éprouve une sensation étrange, maintenant, qu’elle est à deux pas de franchir
le seuil de sa porte et de reprendre sa vie en mains. C’est une sensation de
bien-être. Ses gestes deviennent plus légers, elle se sent délestée, délivrée. Elle
flotte délicieusement, son corps offert à toutes les brises, soulevé par tous
les vents.
Elle se
laisse porter, mais où exactement ? Elle a de nouveau un peu peur. Elle n’y
arrivera pas, le cœur va lui manquer. Non, c’est impossible!
Tout à coup, le sol se met à bouger, se dérobe sous ses pieds. Ça lui donne le tournis! Elle doit reprendre pied. Ne pas perdre la tête! Surtout, ne pas se presser!
Tout à coup, le sol se met à bouger, se dérobe sous ses pieds. Ça lui donne le tournis! Elle doit reprendre pied. Ne pas perdre la tête! Surtout, ne pas se presser!
Il lui faut, à
tout prix, réussir à franchir ce cap, à dépasser cette angoisse absurde. Il n’y
a plus un instant à perdre. Elle a besoin d’être secouée, après ces longs mois
de confinement, d’isolement et de solitude.
Il faut y
aller, foncer à l’aveugle, tête baissée!
Elle est d’attaque, elle a tenu le coup. Elle est presque morte d’ennui et de désœuvrement. Rien d’excitant ne s'est produit durant ces interminables mois de vie de recluse à domicile. Elle avait vécu, hagarde, comme une bête en cage.
Elle est d’attaque, elle a tenu le coup. Elle est presque morte d’ennui et de désœuvrement. Rien d’excitant ne s'est produit durant ces interminables mois de vie de recluse à domicile. Elle avait vécu, hagarde, comme une bête en cage.
Elle se
sentait, à présent, comme l’oiseau qui cherche avidement une flaque d’eau fraîche
où s’ébrouer au soleil, se rengorger, lisser ses plumes.
Il faut qu’elle
laisse les choses se produire naturellement! Un bon mouvement et elle s’élancera
dans l’espace ouvert! L’insouciance de nouveau, la liberté !
Dehors, l’attendent
une forêt luxuriante, une forêt vierge, d’étranges contrées, des faunes et des flores inconnues, des mirages.
Il faut avancer sans hésitations! Un seul mouvement de sa part et les portes du cachot vont enfin s’ouvrir! Elle va émerger de son tombeau.
Il faut avancer sans hésitations! Un seul mouvement de sa part et les portes du cachot vont enfin s’ouvrir! Elle va émerger de son tombeau.
Son cœur est délicieusement serré. Elle a envie de crier, comme dans une montagne russe
quand le wagonnet descend. Crier et rire en simultané.
Dehors, un
univers lumineux et aéré l’attend!
Elle se sent si libre, si souple! Il lui faut emplir ses poumons d’air pur, en faire des provisions. Un coup de reins et elle sera dehors.
Elle se sent si libre, si souple! Il lui faut emplir ses poumons d’air pur, en faire des provisions. Un coup de reins et elle sera dehors.
Et si elle n’y
parvenait pas? Et si elle était condamnée à rester là, pour toujours, sans pouvoir
se décider à franchir le pas de sa porte?
Elle resterait là, dans ce trou qu’elle s’est creusé, trop faible pour s’en évader? Elle resterait là à piétiner, à tourner sans fin, ravaudant son angoisse, sa mort en raccourci, qu’elle devra regarder de tout près, maintenant qu’elle se recroqueville, qu’elle fond et qu’elle ressemble à un pauvre poulet déplumé ou plutôt à une autruche apeurée.
Elle resterait là, dans ce trou qu’elle s’est creusé, trop faible pour s’en évader? Elle resterait là à piétiner, à tourner sans fin, ravaudant son angoisse, sa mort en raccourci, qu’elle devra regarder de tout près, maintenant qu’elle se recroqueville, qu’elle fond et qu’elle ressemble à un pauvre poulet déplumé ou plutôt à une autruche apeurée.
Allons, un
peu de courage ! Regarde les choses bien en face, crânement !
Le sol est
solide. Tu es en parfaite sécurité dehors. Un peu de tenue ! Arrête donc d’être
lâche. L’ivresse du large t’attend. Plus de torpeur, de lenteur. Il te faut
regagner les réflexes de souplesse, de vivacité. Mets-toi en branle ! Le ciel
est bleu. Il fait bon. La paix règne.
Mets court à
tes ratiocinations, à ces ombres mouvantes, à ces eaux troubles, à ces
mouvements inquiétants. Tu n’as pas peur!
Regarde bien.
Courage ! Prends les devants. C’est le moment ou jamais de faire enfin peau
neuve.
Allons!
Un petit effort. Tout sera si simple après. Si lisse, si net. Plus de rages
rentrées, plus de caprices torturants, de revanches, de besoins, plus de souvenirs
de faiblesses honteuses, plus d’épuisants regrets.
Plus rien à
craindre ! Tu es devenue invincible! Tout va fonctionner à la perfection. Oh! Vertige!
Sa tête
tourne un peu, ses jambes faiblissent. Mais il faut se raidir, il faut tenir bon.
Aussitôt la
porte refermée, derrière elle, dès qu’elle est seule dans l’escalier silencieux,
les barrages se rompent. Cela monte en elle, se répand par vagues successives.
C’est cette
vieille sensation de peur, d’autrefois, toujours la même. Cette terreur jamais
effacée qui revient. Elle la reconnaît, elle lui est trop familière.
Dehors, le soleil
brille d’un éclat sombre. Tout vacille de terreur, une odeur atroce de charogne
se répand par effluves nauséabondes. Elle voudrait s’asseoir n’importe où,
là-bas, sur un banc. Tout va s’effondrer. Une sensation de faiblesse dans les
jambes, cette peur qu’elle éprouve de nouveau maintenant – le corps ne se trompe
jamais. Cette sensation de mollesse dans tout son corps, ce frisson le long de
son dos, cette crampe au cœur, cette angoisse poignante.
Il fallait se
secouer, s’arracher à cela, bondir. Ce sera tout de suite ou jamais. Un premier
mouvement assuré vers la délivrance. Il faut couper court à ce suspens.
Le temps se
tient presque immobile. Les secondes fermées sur elles-mêmes, lisses, lourdes,
pleines à craquer, avancent très lentement, insensiblement.
Elle est
libre ! Elle dispose de tout son temps désormais. Elle se prépare pour le
bond final. Il lui faut conserver, jusqu’au bout, la pleine possession de ses moyens.
C’est le moment du recueillement, de la purification.
Le temps
oublié, délivré fait un bond en avant avec elle. Elle est finalement sortie de
la zone de silence. Elle ne réfléchit plus aux nuances sournoises, aux invisibles
et imprévisibles dangers.
Elle a mué. Son
ancienne peau gît à même le sol. Elle ressemble maintenant à un petit animal
des bois, sauvage, capricieux.
Désormais, ce
qui vient du dehors, ce flot énorme charriant impuretés, convoitises,
nostalgies, compromissions, intrigues, envies, jalousies n’a plus prise sur elle.
Pas une trace ne passera, pas la moindre parcelle, non, rien qu’une matière décantée, distillée, filtrée. Elle se refuse à toute joie frelatée, mesquine, basse. Son détachement sera total et pur comme l’eau de source.
Pas une trace ne passera, pas la moindre parcelle, non, rien qu’une matière décantée, distillée, filtrée. Elle se refuse à toute joie frelatée, mesquine, basse. Son détachement sera total et pur comme l’eau de source.
Elle a le cœur
solide et les poumons bien entraînés, et la voilà juchée là, sur le plus haut
sommet. Elle sourit émerveillée, la joie dans l’âme.
dimanche 19 avril 2020
Log book # 33
Le Courrier
International fait la une de son numéro avec le suivant choix éditorial :
« Le
risque de pénurie alimentaire ».
Le stockage
et les achats dits « de panique », les problèmes de logistique et le
manque de main d’œuvre provoquent des réflexes protectionnistes des pays
exportateurs qui pourraient fragiliser les états les plus pauvres au détriment
d’une meilleure coopération internationale.
Dans cette
crise sanitaire, les messages politiques ont une importance particulière. Les politiques
doivent se réinventer face à ce tsunami que représente le Covid-19. L’attention
doit être portée sur le social, la solidarité, les inégalités.
Le 31 mars,
la FAO, l’OMC et l’OMS ont lancé conjointement un appel s’inquiétant de
possibles pénuries alimentaires à court terme. Les trois organisations
onusiennes, chargées respectivement de l’alimentation, du commerce et de la
santé, redoutent que la fermeture des frontières et les restrictions à l’exportation
des grands pays producteurs de riz, de blé et d’autres céréales ne provoquent
une flambée des prix et une crise qui n’a pourtant pas lieu d’être, une fois que
les récoltes ont été bonnes.
Le repli
plutôt que la coopération internationale, voilà où réside le problème. « Quand
la peur et le chacun pour soi gouvernent, le monde n’y gagne en général pas grand-chose.
D’autre part, en Europe, la fermeture des frontières a un impact sur les
agriculteurs, qui ne trouvent plus de main d’œuvre. Certaines récoltes sont
perdues, faute de ramasseurs. Du coup, certains pays incitent aujourd’hui les
consommateurs à manger local. Voilà peut-être l’occasion de repenser notre système
alimentaire. »
Mais il y a
un autre problème de taille et une autre urgence. Partout dans le monde, des
millions de personnes se sont retrouvées au chômage et la flambée des prix de
produits de première nécessité ne vient aucunement aider aux problèmes des
familles les plus démunies.
Ainsi avant
de passer à manger local, il faudra déjà pouvoir manger tout court !
For future reflexion,
this article :
*Gaslighting, if
you don’t know the word, is defined as manipulation into doubting
your own sanity; as in, Carl made Mary think she was crazy, even though she
clearly caught him cheating. He gaslit her.
Pretty soon, as the
country begins to figure out how we “open back up” and move forward, very
powerful forces will try to convince us all to get back to normal. (That never
happened. What are you talking about?) Billions of dollars will be spent on
advertising, messaging, and television and media content to make you feel
comfortable again. It will come in the traditional forms — a billboard here, a
hundred commercials there — and in new-media forms: a 2020–2021 generation of
memes to remind you that what you want again is normalcy. In truth, you want
the feeling of normalcy, and we all want it. We want desperately to feel good
again, to get back to the routines of
life, to not lie in bed at night wondering
how we’re going to afford our rent and bills, to not wake to an endless scroll of human tragedy on our
phones, to have a cup of perfectly brewed coffee and simply leave
the house for work. The need for comfort will be real, and it will be strong.
And every brand in America will come to your rescue, dear consumer, to help
take away that darkness and get life back to the way it was before the crisis.
I urge you to be well aware of what is coming.
For the last
hundred years, the multibillion-dollar advertising business has operated based
on this cardinal principle: Find the consumer’s problem and fix it with your
product. When the problem is practical and tactical, the solution is “as seen
on TV” and available at Home Depot. Command strips will save me from having to
repaint. So will Mr. Clean’s Magic Eraser. Elfa shelving will get rid of the
mess in my closet. The Ring doorbell will let me see who’s on the porch if I
can’t take my eyes off Netflix. But when the problem is emotional, the fix
becomes a new staple in your life, and you become a lifelong loyalist.
Coca-Cola makes you: happy. A Mercedes makes you: successful. Taking your
family on a Royal Caribbean cruise makes you: special. Smart marketers know how
to highlight what brands can do for you to make your life easier. But brilliant
marketers know how to rewire your heart. And, make no mistake, the heart is
what has been most traumatized this last month. We are, as a society, now
vulnerable in a whole new way.
What the trauma has
shown us, though, cannot be unseen. A carless Los Angeles has clear blue skies
as pollution has simply stopped. In a quiet New York, you can hear the birds
chirp in the middle of Madison Avenue. Coyotes have been spotted on the Golden
Gate Bridge. These are the postcard images of what the world might be like if
we could find a way to have a less deadly daily effect on the planet. What’s
not fit for a postcard are the other scenes we have witnessed: a health care
system that cannot provide basic protective equipment for its frontline; small
businesses — and very large ones — that do not have enough cash to pay their rent
or workers, sending over 16 million people to seek unemployment benefits; a
government that has so severely damaged the credibility of our media that 300
million people don’t know who to listen to for basic facts that can save their
lives.
The cat is out of
the bag. We, as a nation, have deeply disturbing problems. You’re right. That’s
not news. They are problems we ignore every day, not because we’re terrible
people or because we don’t care about fixing them, but because we don’t have
time. Sorry, we have other shit to do. The plain truth is that no matter our
ethnicity, religion, gender, political party (the list goes on), nor even our
socioeconomic status, as Americans we share this: We are busy. We’re out and
about hustling to make our own lives work. We have goals to meet and meetings
to attend and mortgages to pay — all while the phone is ringing and the laptop
is pinging. And when we get home, Crate and Barrel and Louis Vuitton and Andy
Cohen make us feel just good enough to get up the next day and do it all over
again. It is very easy to close your eyes to a problem when you barely have
enough time to close them to sleep. The greatest misconception among us, which
causes deep and painful social and political tension every day in this country,
is that we somehow don’t care about each other. White people don’t care about
the problems of black America. Men don’t care about women’s rights. Cops don’t
care about the communities they serve. Humans don’t care about the environment.
These couldn’t be further from the truth. We do care. We just don’t have the
time to do anything about it. Maybe that’s just me. But maybe it’s you, too.
Well, the treadmill
you’ve been on for decades just stopped. Bam! And that feeling you have right
now is the same as if you’d been thrown off your Peloton bike and onto the
ground: What in the holy fuck just happened? I hope you might consider this:
What happened is inexplicably incredible. It’s the greatest gift ever
unwrapped. Not the deaths, not the virus, but The Great Pause. It is, in a
word, profound. Please don’t recoil from the bright light beaming through the
window. I know it hurts your eyes. It hurts mine, too. But the curtain is wide
open. What the crisis has given us is a once-in-a-lifetime chance to see
ourselves and our country in the plainest of views. At no other time, ever in
our lives, have we gotten the opportunity to see what would happen if the world
simply stopped. Here it is. We’re in it. Stores are closed. Restaurants are
empty. Streets and six-lane highways are barren. Even the planet itself is
rattling less (true story). And because it is rarer than rare, it has brought
to light all of the beautiful and painful truths of how we live. And that feels
weird. Really weird. Because it has… never… happened… before. If we want to
create a better country and a better world for our kids, and if we want to make
sure we are even sustainable as a nation and as a democracy, we have to pay
attention to how we feel right now. I cannot speak for you, but I imagine you
feel like I do: devastated, depressed, and heartbroken.
And what a perfect
time for Best Buy and H&M and Wal-Mart to help me feel normal again. If I
could just have the new iPhone in my hand, if I could rest my feet on a pillow
of new Nikes, if I could drink a venti blonde vanilla latte or sip a Diet Coke,
then this very dark feeling would go away. You think I’m kidding, that I’m
being cute, that I’m denying the very obvious benefits of having a roaring
economy. You’re right. Our way of life is not without purpose. The economy is
not, at its core, evil. Brands and their products create millions of jobs. Like
people — and most anything in life — there are brands that are responsible and
ethical, and there are others that are not. They are all part of a system that
keeps us living long and strong. We have lifted more humans out of poverty
through the power of economics than any other civilization in history. Yes,
without a doubt, Americanism is a force for good. It is not some villainous
plot to wreak havoc and destroy the planet and all our souls along with it. I
get it, and I agree. But its flaws have been laid bare for all to see. It
doesn’t work for everyone. It’s responsible for great destruction. It is so
unevenly distributed in its benefit that three men own more wealth than 150
million people. Its intentions have been perverted, and the protection it
offers has disappeared. In fact, it’s been brought to its knees by one pangolin. We have
got to do better and find a way to a responsible free market.
Until then, get
ready, my friends. What is about to be unleashed on American society will be
the greatest campaign ever created to get you to feel normal again. It will
come from brands, it will come from government, it will even come from each
other, and it will come from the left and from the right. We will do anything,
spend anything, believe anything, just so we can take away how horribly
uncomfortable all of this feels. And on top of that, just to turn the screw
that much more, will be the one effort that’s even greater: the all-out blitz
to make you believe you never saw what you saw. The air wasn’t really cleaner;
those images were fake. The hospitals weren’t really a war zone; those stories
were hyperbole. The numbers were not that high; the press is lying. You didn’t
see people in masks standing in the rain risking their lives to vote. Not in
America. You didn’t see the leader of the free world push an unproven miracle
drug like a late-night infomercial salesman. That was a crisis update. You
didn’t see homeless people dead on the street. You didn’t see inequality. You
didn’t see indifference. You didn’t see utter failure of leadership and
systems.
But you did. You
are not crazy, my friends. And so we are about to be gaslit in a truly
unprecedented way. It starts with a check for $1,200 (Don’t say I never gave
you anything) and then it will be so big that it will be bigly. And it will be
a one-two punch from both big business and the big White House — inextricably
intertwined now more than ever and being led by, as our luck would have it, a
Marketer in Chief. Business and government are about to band together to knock
us unconscious again. It will be funded like no other operation in our
lifetimes. It will be fast. It will be furious. And it will be overwhelming.
The Great American Return to Normal is coming.
From one citizen to
another, I beg of you: take a deep breath, ignore the deafening noise, and
think deeply about what you want to put back into your life. This is our chance
to define a new version of normal, a rare and truly sacred (yes, sacred)
opportunity to get rid of the bullshit and to only bring back what works for
us, what makes our lives richer, what makes our kids happier, what makes us
truly proud. We get to Marie Kondo the shit out of it all. We care deeply about one another.
That is clear. That can be seen in every supportive Facebook post, in every
meal dropped off for a neighbor, in every Zoom birthday party. We are a good
people. And as a good people, we want to define — on our own terms — what this
country looks like in five, 10, 50 years. This is our chance to do that, the
biggest one we have ever gotten. And the best one we’ll ever get.
We can do that on a
personal scale in our homes, in how we choose to spend our family time on
nights and weekends, what we watch, what we listen to, what we eat, and what we
choose to spend our dollars on and where. We can do it locally in our
communities, in what organizations we support, what truths we tell, and what
events we attend. And we can do it nationally in our government, in which
leaders we vote in and to whom we give power. If we want cleaner air, we can
make it happen. If we want to protect our doctors and nurses from the next
virus — and protect all Americans — we can make it happen. If we want our
neighbors and friends to earn a dignified income, we can make that happen. If
we want millions of kids to be able to eat if suddenly their school is closed,
we can make that happen. And, yes, if we just want to live a simpler life, we
can make that happen, too. But only if we resist the massive gaslighting that
is about to come. It’s on its way. Look out.
Article
from Julio Vincent Gambuto, published in FORGE.MEDIUM.COM
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