mercredi 29 avril 2020

Log book # 43




La « forme » qui autant se le dire, n’est plus au mieux de sa forme, au bout de 46 jours de confinement, pour tuer le temps, a décidé, hier, d’écouter un podcast sur l’Anarchie Individualiste qui émergea à la fin du XIXe siècle, mais qui ne devînt un courant visible que dans les premières années du XXe siècle.
« Le principe de l’anarchie individualiste, c’est que la révolution doit commencer déjà par soi-même, c’est-à-dire que l’on ne doit pas attendre d’un grand soir hypothétique que tout change, si les individus n’ont pas déjà changé eux-mêmes. »
« Ils ont comme credo que tout est politique, que le plus minuscule de nos gestes a une portée politique et qu’on doit en tout se comporter en anarchiste. » dit Anne Steiner, Maître de Conférences en Sociologie, à l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, spécialiste du mouvement individualiste anarchiste.
Les anarchistes individualistes refusaient l’exploitation, la domination et l’autoritarisme.
« Partir pour montrer qu’une autre vie est possible, trouver un ailleurs dans un hameau, un bois, une clairière loin de l’écrasement urbain et des carcans de la société, pour vivre hors du salariat, en camarades. »
L’histoire secrète de ces colonies libertaires serait sans doute restée muette si quelques historiens de l’anarchie individualiste et du mouvement ouvrier n’avaient buté dessus.
Harmon qui est un théoricien dit qu’il s’agit « de sculpter son moi. L’idée c’est de se développer comme homme, comme être humain, dans toutes ses dimensions c’est-à-dire corporelle, intellectuelle, spirituelle, sexuelle, sensuelle, artistique et ça c’est incompatible avec dix heures d’usine. »
Ce sont des courants qui regroupent essentiellement des ouvriers, des jeunes, très jeunes qui ont fréquenté l’école publique laïque, qui ont bénéficié des lois Ferry.
Ils ont plus d’instruction que leurs parents même si elle s’est arrêtée brutalement, mais ça leur a donné le goût de l’étude et le refus d’être assignés à une condition ouvrière avilissante.
Ça ne veut pas dire qu’ils veulent monter dans l’échelle sociale. Ils ne veulent être ni bourgeois, ni ouvriers, mais inventer l’homme nouveau qui aura surmonté la division entre travail intellectuel et travail manuel.
« Chez eux, il y a une volonté d’épanouissement, de suivre les progrès techniques de leur temps, les progrès scientifiques. Passionnément, ils vont aussi s’inscrire dans les universités populaires, il y en a plusieurs centaines en France. On veut se développer, on ne veut pas être des auxiliaires de la machine, des brutes humaines travaillant 10 à 11h par jour, 6 jours par semaine. On ne veut pas laisser en friche toutes ses capacités. On veut vivre pleinement, d’où le milieu libre pour pouvoir s’organiser hors du salariat. »

Arnaud Baubérot, historien du naturisme, dit à ce propos : « Pour quelques-uns, sortir de la ville, c’est aussi aller dans la nature et commence alors à émerger l’idée que la nature est peut-être un moyen de se régénérer, de se transformer, de changer sa manière de vivre et d’avoir une vie plus conforme à la nature c’est-à-dire qui semble plus rationnelle, moins marquée par la société, par les modes de vie dominants et par les valeurs dominantes de la société. Et on voit apparaître dans les toutes premières expériences des colonies anarchistes, des débats entre des anarchistes partis à la campagne qui vivent en communauté, travaillent dans des ateliers, mais pour eux leur changement de vie s’arrête là et puis d’autres qui commencent à émettre l’idée que la nature, c’est aussi transformer sa vie. Ne plus boire d’alcool, ni fumer de tabac, manger végétarien et avec cette idée que ce serait une façon de vivre conforme à la nature. »
« Pour abattre la société, il faut mener un mode de vie simple, refuser la consommation, refuser de s’entourer d’objets superflus et mener une vie ascétique. »
Par certains aspects, cette idée est très contemporaine, nos modes de vie, nos modes d’alimentation ne sont pas sans conséquence dans l’ordre politique et le monde tel qu’il fonctionne de manière globale.
Dans le discours des anarchistes individualistes, il est très clair que le tabac et l’alcool sont des substances qui abrutissent la pensée, qui abrutissent l’individu et donc qui le rendent plus docile et soumis aux autorités, aux patrons, à l’État.

Aucun commentaire: