La « forme »
qui autant se le dire, n’est plus au mieux de sa forme, au bout de 46 jours de
confinement, pour tuer le temps, a décidé, hier, d’écouter un podcast sur l’Anarchie
Individualiste qui émergea à la fin du XIXe siècle, mais qui ne
devînt un courant visible que dans les premières années du XXe
siècle.
« Le
principe de l’anarchie individualiste, c’est que la révolution doit commencer déjà
par soi-même, c’est-à-dire que l’on ne doit pas attendre d’un grand soir
hypothétique que tout change, si les individus n’ont pas déjà changé eux-mêmes. »
« Ils
ont comme credo que tout est politique, que le plus minuscule de nos gestes a
une portée politique et qu’on doit en tout se comporter en anarchiste. »
dit Anne Steiner, Maître de Conférences en Sociologie, à l’Université
Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, spécialiste du mouvement individualiste
anarchiste.
Les anarchistes
individualistes refusaient l’exploitation, la domination et l’autoritarisme.
« Partir
pour montrer qu’une autre vie est possible, trouver un ailleurs dans un hameau,
un bois, une clairière loin de l’écrasement urbain et des carcans de la société,
pour vivre hors du salariat, en camarades. »
L’histoire
secrète de ces colonies libertaires serait sans doute restée muette si quelques
historiens de l’anarchie individualiste et du mouvement ouvrier n’avaient buté
dessus.
Harmon qui
est un théoricien dit qu’il s’agit « de sculpter son moi. L’idée c’est de se
développer comme homme, comme être humain, dans toutes ses dimensions c’est-à-dire
corporelle, intellectuelle, spirituelle, sexuelle, sensuelle, artistique et ça
c’est incompatible avec dix heures d’usine. »
Ce sont des courants
qui regroupent essentiellement des ouvriers, des jeunes, très jeunes qui ont
fréquenté l’école publique laïque, qui ont bénéficié des lois Ferry.
Ils ont plus
d’instruction que leurs parents même si elle s’est arrêtée brutalement, mais ça
leur a donné le goût de l’étude et le refus d’être assignés à une condition
ouvrière avilissante.
Ça ne veut pas
dire qu’ils veulent monter dans l’échelle sociale. Ils ne veulent être ni
bourgeois, ni ouvriers, mais inventer l’homme nouveau qui aura surmonté la
division entre travail intellectuel et travail manuel.
« Chez
eux, il y a une volonté d’épanouissement, de suivre les progrès techniques de
leur temps, les progrès scientifiques. Passionnément, ils vont aussi s’inscrire
dans les universités populaires, il y en a plusieurs centaines en France. On veut
se développer, on ne veut pas être des auxiliaires de la machine, des brutes
humaines travaillant 10 à 11h par jour, 6 jours par semaine. On ne veut pas laisser
en friche toutes ses capacités. On veut vivre pleinement, d’où le milieu libre
pour pouvoir s’organiser hors du salariat. »
Arnaud
Baubérot, historien du naturisme, dit à ce propos : « Pour quelques-uns,
sortir de la ville, c’est aussi aller dans la nature et commence alors à
émerger l’idée que la nature est peut-être un moyen de se régénérer, de se transformer,
de changer sa manière de vivre et d’avoir une vie plus conforme à la nature c’est-à-dire
qui semble plus rationnelle, moins marquée par la société, par les modes de vie
dominants et par les valeurs dominantes de la société. Et on voit apparaître
dans les toutes premières expériences des colonies anarchistes, des débats entre
des anarchistes partis à la campagne qui vivent en communauté, travaillent dans
des ateliers, mais pour eux leur changement de vie s’arrête là et puis d’autres
qui commencent à émettre l’idée que la nature, c’est aussi transformer sa vie. Ne
plus boire d’alcool, ni fumer de tabac, manger végétarien et avec cette idée
que ce serait une façon de vivre conforme à la nature. »
« Pour
abattre la société, il faut mener un mode de vie simple, refuser la
consommation, refuser de s’entourer d’objets superflus et mener une vie ascétique. »
Par certains
aspects, cette idée est très contemporaine, nos modes de vie, nos modes d’alimentation
ne sont pas sans conséquence dans l’ordre politique et le monde tel qu’il fonctionne
de manière globale.
Dans le
discours des anarchistes individualistes, il est très clair que le tabac et l’alcool
sont des substances qui abrutissent la pensée, qui abrutissent l’individu et
donc qui le rendent plus docile et soumis aux autorités, aux patrons, à l’État.
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