Qui est
Christine ?
C’est une
femme qui a la cinquantaine. Divorcée depuis des années. Mère de deux garçons
jumeaux.
Elle a eu,
autrefois, un mari avec qui elle s’entend encore bien. Ils n’ont pas eu d’enfants
quand ils étaient en couple, mais il a eu lui aussi, avec son actuelle
compagne, ironie du destin, deux petites filles jumelles, qui ont maintenant dix
ans.
Puis, il y a
le père de ses enfants, de qui elle est tombée éperdument amoureuse, à la suite
de son divorce, avec qui elle s’est aussi mise en couple, mais cette relation a
elle aussi très vite explosé.
Il faut dire
que Christine a un caractère très difficile et un tempérament rageur et colérique.
Elle n’est pas taillée pour des relations à la guimauve.
La vie de
couple, la vie à deux, et toutes les compromissions que cela présuppose, ce
n’est pas sa tasse thé et c’est bien là, la raison pour laquelle, elle a choisi
de n’avoir que des relations intermittentes.
Elle est indéniablement
douée pour les amours extra-conjugaux, sans attaches, sans liens d’aucune sorte.
Peut-être bien est-ce parce qu’elle aime l’audace et les défis insurmontables. Ça
exige d’elle des trésors d’ingéniosité, et de l’ingéniosité, elle en est
abondamment pourvue.
Certainement,
les rendez-vous d’amour en plein air lui manquent, mais elle trouve somme toute
son compte dans cette relation secrète, qu’elle entretient, depuis quelques
années déjà, loin de tous les regards indiscrets et importuns.
Et pourtant,
il lui arrive encore parfois, au bout de tout ce temps, de souffrir d’une
certaine gêne, qu’elle n’avait jamais connue auparavant, avec ses autres
partenaires. Il lui arrive d’avoir du
mal à trouver les mots qu’il faut en sa présence et elle a une certaine réserve
érotique, envers lui, comme si elle voulait éviter, le plus longtemps possible,
le dégoût que ne manquerait pas de lui inspirer les instructions et les
précautions triviales dont l’amour physique ne peut, malheureusement, se
passer, et ce même si elle se sait irraisonnablement amoureuse de cet homme.
Le plus souvent,
il lui parle d’une voix froide et passablement méprisante. Elle se sent fortement
humiliée et a envie d’en pleurer ou bien, il la laisse sans nouvelles, des semaines
durant, tout en sachant pertinemment que cela la met totalement en rogne et peut
même la pousser jusqu’à une rage folle et une colère irréfléchie.
Elle se tourmente
alors, des jours durant et souffre du spectacle de sa propre misère
redécouverte.
Contre cette
misère, elle ne réclame que de l’amour, le regard magique de l’amour. Ce désir
d’absolu d’amour n’est en réalité, chez elle, qu’un désir d’identité absolue,
mais dès que cette illusion de l’identité absolue est brisée, l’amour devient
une source permanente de grand tourment. Elle le sait, elle en fait les frais à
chaque moment.
Mais plus on
avance en âge, plus on acquiert une profonde expérience de notre commune
imperfection humaine et on se met ainsi à l’abri des chocs émotionnels les plus
violents, et le spectacle de notre misère d’amour, propre à l’âge de l’inexpérience
et de la jeunesse, devient une chose plutôt banale et sans intérêt aucun.
À notre
tourment amoureux succède alors un désir de vengeance dont le but est d’obtenir
que le partenaire se sente pareillement misérable.
Christine était
passée maître en la matière et était devenue une experte mondiale du chantage émotionnel,
ayant appris avec les meilleurs et ayant bien retenu la leçon.
Elle le faisait
souvent souffrir pour qu’ils se sentent égaux et persévèrent ainsi dans leur
amour. Comme la vengeance ne peut jamais totalement révéler son véritable
motif, conscient ou inconscient, elle devait chaque fois invoquer de fausses
raisons.
Elle usait
donc d’une pathétique hypocrisie et elle s’attendait toujours à ce qu’il se décidât
à la quitter pour de bon, mais ils finissaient, à chaque fois, par se
sparadraper et panser leurs plaies, tant bien que mal.
Christine l’adore
et il le sait.
Depuis le
premier jour, elle le divinise et se soumet à tous ses caprices, à tous ses désirs
les plus fous et insensés, parfois sans objection aucune, alors qu’elle a une
personnalité indépendante, forte et critique dans tous les autres domaines de son
existence.
Elle l’admire
si profondément qu’elle s’oublie, et lui parfois s’irrite de son excessive
soumission et devient, par moments, agressif et corrosif, presque sadique, transformant
son émotion en déconvenue.
Souvent, il
ne sait pas se conduire et cela la peine au plus profond de son âme. Elle y entrevoit
une certaine forme de mysoginie qui lui déplaît plus que tout et elle n’hésite
pas à le lui dire, avec maints reproches, mais elle finit toujours par perdre pied
et n’est, à la fin, plus du tout sûre de ses jugements. Il finit par retourner
la situation en son propre bénéfice, comme un fin stratège de la ruse, et remporte
la partie en un tour de main.
Elle le
comprend, néanmoins, comme personne d’autre, et le comprendre, c’est se
confondre et s’identifier à lui. C’est ça le mystère et la poésie de cette
union.
Elle se
consume en lui, dans l’idée qu’elle a de lui, elle brûle en lui. Ce lien clandestin
l’émeut encore de façon invraisemblable, passées toutes ces années.
Elle a encore
envie de hurler de joie, lors de leurs étreintes silencieuses. Elle déborde encore d’un immense enthousiasme,
lors de leurs retrouvailles. Leur liaison est comme une longue pellicule cinématographique projetant un film captivant plein de trouble, d'attente, d'explosion, de douleur, d'émotion et de haine tourmentée. C'est quelque chose de bien singulier.
Ils parlent
le langage du souffle et du toucher abolissant la pesanteur des mots. Ils perdent l'usage de la parole dès que leurs corps nus s'étreignent. Ils flambent
tous deux de la même flamme, dans un silence obstiné. Elle n'a jamais vraiment réussi à s'expliquer ce mutisme. C'était peut-être parce qu'en dehors de leurs relations amoureuses, il ne leur restait rien d'autre qu'un néant, un vide gigantesque.
Il lui semble toujours aussi irréel, insaisissable et lointain. C’est là que réside son profond mystère qui lui suscite une attirance, sans cesse, renouvelée.
Il lui semble toujours aussi irréel, insaisissable et lointain. C’est là que réside son profond mystère qui lui suscite une attirance, sans cesse, renouvelée.
Que reste-t
’il de cette histoire ? Qu’en restera-t ’il dans quelques années ?
Très probablement,
un long poème façonné par la main d’une graphomane, tout à fait incorrigible.
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