jeudi 23 avril 2020

Log book # 37



Rire ? Se soucie-t ’on assez de rire ? Rire vraiment, au-delà de la plaisanterie, de la moquerie, du ridicule. Rire. Simple jouissance.
Pourrait-on par ces temps difficiles jouer à rire ? Rires forcés. Rires ridicules. Rires si ridicules qu’ils nous entraînent à rire délicieusement sans motif. Le vrai rire. Le rire entier qui nous emporte dans son déferlement inconséquent, immense et délicieux. Rires éclatés. Rires déchaînés. Rires magnifiques. Fous rires. Rire à l’infini du rire de nos rires. Rire. Un manifeste mystique de la joie !
Ne pas s’aliéner à sa propre essence animale, manger, boire, uriner, déféquer. Tout devient jouissance par le rire. Toucher, entendre, être là, se plonger dans l’eau, regarder le ciel, les fleurs, pleurer et rire ! Danser aussi, dans une ronde. Aller jusqu’au bout de la jouissance. Rire, comble extrême de la jouissance. Se réjouir d’être. Rire sans souvenir et sans désir. Rire pour échapper à l’encerclement, au confinement.
J’ai ouvert, hier, au hasard, rien que pour le flairer un peu le bouquin Rhinocéros qui est une pièce  de théâtre, d’Eugène Ionesco, dont les personnages, possédés du désir d’être semblables l’un à l’autre, se changent tour à tour en rhinocéros. Je suis tombée sur ce passage, assez hilarant :
« Le logicien, au vieux monsieur : Prenez une feuille de papier, calculez. On enlève deux pattes aux deux chats, combien de pattes restera-t ’il à chaque chat ? »
« Le vieux monsieur, au logicien : il y a plusieurs solutions possibles. Un chat peut avoir quatre pattes, l’autre deux. Il peut y avoir un chat à cinq pattes et un autre chat à une patte. En enlevant les deux pattes, sur huit, des deux chats, nous pouvons avoir un chat à six pattes et un chat sans pattes du tout. »
Un rire forcé, ridicule, si ridicule que l’on ne peut faire autrement qu’en rire. Puis, vient le vrai rire. Un rire éclaté, bousculé, débridé, repris. Une explosion de rire, magnifique, somptueuse et folle. Rire de son rire jusqu’à l’infini du rire!
Oh rire ! Quelle jouissance !
Rire pour combler dans son crâne le cri du vide qui se révolte. 

Mourir dans le tournoiement de la ronde. 
Mourir de rire!
S’introduire frénétiquement dans l’interstice du néant.

Aucun commentaire: