« Aesthetics
rather than logical is the distinguishing feature of the mathematical mind. »
Seymour A. Papert, On
Aesthetic in Science
La théorie de la
relativité a transformé notre conception du Temps, la physique quantique remet
en question notre idée du Réel et la cybernétique nous impose désormais une
nouvelle approche du Social.
Ce qu’on appelle la science-fiction
n’est aujourd’hui que la pointe de l’iceberg d’une réalité beaucoup plus
importante.
La littéraire que je
suis, n’ayant pas ou peu de formation scientifique, se sent peu à l’aise avec
les quarks et les quasars, mais s’aperçoit (notamment) qu’à sa
manière la science, comme la littérature, est productrice d’un espace de fiction,
d’un monde toujours ouvert à repenser et à reconsidérer. Le désir de
connaissance est une stimulation perpétuelle qui provoque la recherche et la
pensée au même titre que le désir d’écriture.
On peut par ailleurs
affirmer, sans ambages, que le travail scientifique, comme le travail littéraire,
ne relève jamais d’une totale spontanéité.
Il n’y a ni doctrine
absolue, ni vérité immuable en science. Au cours de l’Histoire, la rigidité doctrinaire
a rarement été synonyme de complexité ou de discernement. Kepler n’était pas qu’astronome,
mais aussi astrologue et Newton, ce maître de la raison, a passé la moitié de
sa vie à étudier l’alchimie.
Certes, à mesure qu’elle
s’érigeait en modèle universel de savoir, la science refoulait les formes de
pensée antérieures, à l’instar des mouvements littéraires qui se sont succédé.
Cela dit, dès l’époque
de Platon, l’effort pour découvrir une cohérence explicative du réel sous le
désordre des phénomènes s’identifie avec la recherche de structures
mathématiques sous-jacentes. Même si les Grecs associaient les mathématiques
aux mythes, ils atteignaient aussi un degré d’abstraction inégalé auparavant.
Aujourd’hui, « il
est devenu impossible de penser une totalité qui ne soit potentielle,
conjecturale et plurielle » (Italo Calvino, Leçons Américaines).
Ce qui compte d’abord
tient à la multiplicité des relations, chaque système ou micro-système
conditionnant les autres tout en étant conditionné par eux.
La science investit désormais
tous les champs de notre réalité.
D’autre part, dans son
ouvrage, intitulé La fin de la Modernité, Gianni Vattimo voit le monde
actuel comme celui « d’une réalité allégée » car moins
nettement divisé entre le vrai et la fiction, l’information ou l’image : « monde
de la médiatisation totale où nous nous situons déjà pour une bonne part. »
Immergée dans la
société, la technologie occupe tout l’espace sans donner l’impression de le
dominer mais en laissant son empreinte partout.
« Contemporary
society is highly fragmented by infinite subdivisions of groups based on
skills, occupation, class, lifestyle, religion, ethnicity and special interests
almost too staggering to imagine. » (Charles Newman, The postmodern
aura).
Cette dispersion est
encore plus accentuée par les mass media. La réalité est mise à distance
par ces derniers qui produisent des découpages et des collages successifs qui
ne servent qu’à représenter une succession rapide et désordonnée d’images, une
suite de photographies qui saisissent des scènes quotidiennes, une sorte de
zapping de la réalité, un rapide survol au profit du spectateur/lecteur/récepteur
qui de temps à autre s’arrête pour glaner des informations.
C’est donc l’hétérogène,
le pêle-mêle, le fragment, la dispersion qui prend actuellement le dessus dans
nos sociétés, au détriment de la science, et de la littérature.
Pour le regard qui
observe, il n’y a pas de réalité homogène mais plutôt une série de micro-informations
de natures diverses qui participent à l’élaboration de notre perception.
Plongés dans un univers
instable, les individus voient leur perception ébranlée à la fois par la
relativité de l’univers spatio-temporel et par la masse des informations reçues
qui les empêchent d’apprécier de façon juste un événement, la certitude d’un
savoir local suscitant le soupçon d’une ignorance globale.
La constellation des informations
provoque une consternation évidente : l’impossibilité de contextualiser et
de poser un regard englobant sur un phénomène donné, car pour avoir une
approche critique face aux images et aux récits que rapportent les médias, il
faut aussi comprendre comment ils sont produits, c’est-à-dire à l’intérieur de
quel cadre référentiel ils peuvent exister.
Pour y arriver, il faut
savoir tenir compte du Temps qui structure notre espace et de l’Histoire qui
structure nos savoirs.
L’un est l’autre sont
indissociables.