Sa mère me confie, comme on confie un secret, qu'elle a déjà fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, depuis son adolescence.
Elle a commencé par faire des crises d'angoisse assez espacées, puis de plus en plus récurrentes.
Elle était si troublée qu'on ne pouvait que l'enfermer pour qu'elle ne se mutile pas ou ne devienne un danger pour autrui.
On lui faisait subir des électrochocs, puis elle semblait aller mieux, son discours se posait, donc on la libèrait, puis elle replongeait de nouveau, quelques mois plus tard.
Elle mène une existence troublée et troublante.
À son regard, on peut dire qu'elle a été plus malheureuse qu'heureuse dans sa vie.
A-t'elle seulement le souvenir de quelques moments de bonheur?
Sa mère dit d'elle qu'elle semblait ne pas se lasser de poursuivre des chimères.
C'est probablement quelqu'un qui a tout voulu et a tout perdu.
Aujourd'hui, elle est à bout de forces et sa famille est à bout de souffle.
Incontestablement, j'ai des points communs avec cette fille.
Moi aussi, j'ai perdu un Temps fou à pourchasser les rêves les plus fous.
C'est pourquoi, maintenant, j'enferme le Temps, au creux de ma main fermée.
Je suis devenue avare de mon Temps.
Mon Temps est honnête, il ne promet rien.
Il amoncèle les secondes, les minutes et les heures avec une tiédeur méthodique et efficace.
Puis il les ensevellit, muet, comme on ensevelit un cadavre qu'on veut occulter pendant longtemps.
Mon Temps mourra de vieillesse au creux de ma main fermée.
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