dimanche 9 août 2020

Log book # 93

 

 

« Aesthetics rather than logical is the distinguishing feature of the mathematical mind. »

 Seymour A. Papert, On Aesthetic in Science

 

 

La théorie de la relativité a transformé notre conception du Temps, la physique quantique remet en question notre idée du Réel et la cybernétique nous impose désormais une nouvelle approche du Social.

Ce qu’on appelle la science-fiction n’est aujourd’hui que la pointe de l’iceberg d’une réalité beaucoup plus importante.

La littéraire que je suis, n’ayant pas ou peu de formation scientifique, se sent peu à l’aise avec les quarks et les quasars, mais s’aperçoit (notamment) qu’à sa manière la science, comme la littérature, est productrice d’un espace de fiction, d’un monde toujours ouvert à repenser et à reconsidérer. Le désir de connaissance est une stimulation perpétuelle qui provoque la recherche et la pensée au même titre que le désir d’écriture.

On peut par ailleurs affirmer, sans ambages, que le travail scientifique, comme le travail littéraire, ne relève jamais d’une totale spontanéité.

Il n’y a ni doctrine absolue, ni vérité immuable en science. Au cours de l’Histoire, la rigidité doctrinaire a rarement été synonyme de complexité ou de discernement. Kepler n’était pas qu’astronome, mais aussi astrologue et Newton, ce maître de la raison, a passé la moitié de sa vie à étudier l’alchimie.

Certes, à mesure qu’elle s’érigeait en modèle universel de savoir, la science refoulait les formes de pensée antérieures, à l’instar des mouvements littéraires qui se sont succédé.

Cela dit, dès l’époque de Platon, l’effort pour découvrir une cohérence explicative du réel sous le désordre des phénomènes s’identifie avec la recherche de structures mathématiques sous-jacentes. Même si les Grecs associaient les mathématiques aux mythes, ils atteignaient aussi un degré d’abstraction inégalé auparavant.

Aujourd’hui, « il est devenu impossible de penser une totalité qui ne soit potentielle, conjecturale et plurielle » (Italo Calvino, Leçons Américaines).

Ce qui compte d’abord tient à la multiplicité des relations, chaque système ou micro-système conditionnant les autres tout en étant conditionné par eux.

La science investit désormais tous les champs de notre réalité.

D’autre part, dans son ouvrage, intitulé La fin de la Modernité, Gianni Vattimo voit le monde actuel comme celui « d’une réalité allégée » car moins nettement divisé entre le vrai et la fiction, l’information ou l’image : « monde de la médiatisation totale où nous nous situons déjà pour une bonne part. »

Immergée dans la société, la technologie occupe tout l’espace sans donner l’impression de le dominer mais en laissant son empreinte partout.

« Contemporary society is highly fragmented by infinite subdivisions of groups based on skills, occupation, class, lifestyle, religion, ethnicity and special interests almost too staggering to imagine. » (Charles Newman, The postmodern aura).

Cette dispersion est encore plus accentuée par les mass media. La réalité est mise à distance par ces derniers qui produisent des découpages et des collages successifs qui ne servent qu’à représenter une succession rapide et désordonnée d’images, une suite de photographies qui saisissent des scènes quotidiennes, une sorte de zapping de la réalité, un rapide survol au profit du spectateur/lecteur/récepteur qui de temps à autre s’arrête pour glaner des informations.

C’est donc l’hétérogène, le pêle-mêle, le fragment, la dispersion qui prend actuellement le dessus dans nos sociétés, au détriment de la science, et de la littérature.

Pour le regard qui observe, il n’y a pas de réalité homogène mais plutôt une série de micro-informations de natures diverses qui participent à l’élaboration de notre perception.

Plongés dans un univers instable, les individus voient leur perception ébranlée à la fois par la relativité de l’univers spatio-temporel et par la masse des informations reçues qui les empêchent d’apprécier de façon juste un événement, la certitude d’un savoir local suscitant le soupçon d’une ignorance globale.

La constellation des informations provoque une consternation évidente : l’impossibilité de contextualiser et de poser un regard englobant sur un phénomène donné, car pour avoir une approche critique face aux images et aux récits que rapportent les médias, il faut aussi comprendre comment ils sont produits, c’est-à-dire à l’intérieur de quel cadre référentiel ils peuvent exister.

Pour y arriver, il faut savoir tenir compte du Temps qui structure notre espace et de l’Histoire qui structure nos savoirs.

L’un est l’autre sont indissociables.

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