vendredi 29 mai 2020

Log book # 70



« Le talent, c’est le tireur qui atteint un but que les autres ne peuvent toucher. Le génie, c’est celui qui atteint un but que les autres ne peuvent même pas voir. »
Le Monde comme volonté et comme représentation, Schopenhauer

De tout temps, la folie a guetté les grands hommes. Plus on est lucide et plus le risque de sombrer dans la folie est important.
Parmi les plus grands malades de la psyché, nombreux sont des génies en puissance. Il suffit, pour s’en rendre compte, de dresser une liste de tous les génies qui ont frôlé ou qui ont absolument sombré dans la folie durant leur vie.
James Joyce, par exemple, confessa, à propos de son livre Ulysse qu’une « feuille transparente le séparait de la folie ». Nietzche, Newton, Van Gogh, Beethoven, Mozart, Turner, Maupassant, Camille Claudel, Nerval, Lautréamont, Artaud, Bosch, Rousseau, Sade, Goya, Gogol, Poe, Kafka…
Aristote l’a écrit, dans Les Politiques : « Il n’est pas de génie sans folie. »
Nietzche, dans Le Gai Savoir affirme « qu’il se pourrait que la constitution foncière de l’existence implique qu’on ne puisse en avoir une pleine connaissance sans périr ». Il poursuit en disant que « la vérité est un poison » et que l’homme ne peut en supporter qu’une certaine dose, qu’au-delà c’est la mort ou la folie.
C’est donc la lucidité qui rend fou, la vérité qui nous tue ou nous rend fou aussi. L’homme intelligent, c’est-à-dire conscient de son monde, c’est-à-dire ayant effectué une analyse phénoménologique, se voit forcément confronté à l’absurde du monde.
Contrairement à l’homme absent au monde, ainsi qu’à lui-même, ne voyant rien, ne peut se soucier de rien, l’homme raisonnable est confronté à la déraison du monde, monde dans lequel la raison devient dès lors déraison.
« La vie n’est qu’une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie et qui ne signifie rien. » explique Macbeth.
Camus, lui, décrira dans Le Mythe de Sisyphe, l’absurde comme « cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ».
Pour accéder à la connaissance et pouvoir regarder avec courage l’absurdité et le mal présents dans le monde, il nous faut sortir des sentiers battus, fermer les livres, s’ouvrir les oreilles au(x) monde(s), en finir avec les préjugés.
Hamlet dira, à la fin de l’Acte I, « il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, Horatio, qu’il n’en est rêvé dans votre philosophie. »
C’est illusion et aveuglement que de nier la réalité. Il faut apprendre à regarder le monde tel qu’il se présente et non tel qu’on voudrait qu’il soit. On doit pouvoir regarder le mal lui-même, dans ses manifestations les plus ordinaires.


Aucun commentaire: