jeudi 21 mai 2020

Log book # 62






par Hervé Gardette

Encore à propos de la transition vers un « monde d’après » plus écologique, plus vert.
Les économies sont plongées dans une récession sans précédent, « la CE anticipe une baisse de son PIB de près de 8% en 2020. Beaucoup de secteurs ont souffert de lourdes pertes, mais les conditions de leur relance font parfois l’objet de débats, eu égard à leur rôle dans la crise écologique. C’est le cas en particulier du transport aérien.
Il est néanmoins un domaine d’activité où on pourrait même parler d’impensé : celui de la culture.
Depuis deux mois, celle-ci est quasiment à l’arrêt (…). La culture est une nourriture essentielle, qu’on soit confiné ou déconfiné. Mais une réflexion plus large sur l’empreinte écologique de ce que produisent les industries culturelles s’impose.
Deux initiatives ont le mérite de bousculer l’ordre établi dans ce domaine. Un ouvrage publié cette année, aux éditions Wild Project : Le livre est-il écologique ?
Les auteurs regroupés au sein de la toute jeune association pour l’écologie du livre, proposent une réflexion sur l’empreinte carbone de la chaîne du livre, de l’écrivain au lecteur en passant par l’éditeur, l’imprimeur, le transporteur et le libraire.
Le constat d’ensemble n’est pas reluisant. Il décrit un monde de l’édition de plus en plus concentré et financiarisé, engagé dans une course folle à la production : en trente ans, « le nombre de nouveaux titres publiés chaque année a triplé, or chaque année un livre sur quatre reste invendu et 15% sont pilonnés : gaspillage ! »
L’industrie du livre s’est orientée de manière massive « vers une économie de flux » car c’est sur les volumes de fabrication et de transport qu’une part de plus en plus importante des marges est réalisée. Qui dit transport, dit pollution, d’autant que les distances parcourues s’allongent. Qui dit surproduction dit surexploitation des forêts, sachant qu’une « part importante de la pâte à papier est encore importée de pays de l’hémisphère sud et notamment de la forêt amazonienne. »

L’autre initiative vient du monde du cinéma, non pas du côté des tournages, mais de celui des exploitants de salles, eux aussi touchés de plein fouet par les conséquences de l’épidémie. Le bien nommé réseau Utopia est en train de développer, à Pont-Sainte-Marie, dans la banlieue de Troyes, un tout nouveau prototype de salle, loin du gigantisme des multiplex et de l’hégémonie des blockbusters, où l’on voit des super héros sauver le monde en explosant le bilan carbone de la planète.
Taille modeste, structure en bois, panneaux photovoltaïques sur le toit, chaufferie biomasse. Toilettes sèches. L’Utopia de Pont-Sainte-Marie qui espère ouvrir ses portes en décembre 2021, revendique le titre de  « premier cinéma à énergie positive ».
Dans une tribune, publiée dans Libération, Emmanuel Tibloux, directeur de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, rappelle que, si on remonte à son étymologie latine, « la culture est au sens propre et premier, agricultura, culture de la terre. »
Or, « nous sommes loin d’avoir tiré toutes les leçons de cette histoire vieille de 2000 ans qui rappelle que la notion de culture a été inventée dans une relation étroite à la nature. »

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