vendredi 8 mai 2020

Log book # 51




Fondé en 1822, le Café Anglais, à l’angle du Boulevarde des Italiens et de la rue Marivaux, devint à la fin du Second Empire, le plus snob de tous les cafés et le plus couru dans toute l’Europe.
Bien que sa façade soit particulièrement austère, l’intérieur est très cosy : boiseries d’acajou et de noyer, miroirs clinquants patinés à la feuille d’or. Ses salons particuliers accueillent une clientèle aisée accompagnée de « cocottes », les plus hautes personnalités parisiennes et étrangères. Le café Anglais est à la mode mais on y court aussi pour déguster la cuisine d’un des plus célèbres chefs de Paris, Adolphe Dugléré. Un chef qui est décrit comme taciturne et sévère qui exige des matières premières de qualité et qui a le plus grand mépris pour les ivrognes et les fumeurs de tabac. On lui doit le potage Germiny, potage doublement capitaliste : puisqu’à l’oseille et dédié au Comte Germiny, gouverneur de la Banque de France. Et c’est pour une de ces fameuses courtisanes du Second Empire, Anna Deslions, que Dugléré va créer les « Pommes Anna ».
Bref, un café qui n’avait de café que le nom, le restaurant disparut un peu avant la Première Guerre Mondiale.
D’après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882, on peut lire « qu’on se réunit au Café Anglais pour banqueter, déjeuners fins, dîners délicats, soupers où pétille le champagne. »
De nombreux écrivains se servirent du décor du Café Anglais pour leurs intrigues. Ainsi Balzac conduisit Rastignac au Café Anglais et Mme de Nucingen, puis Lucien de Rubempré. Flaubert dans l’Education Sentimentale y fait déjeuner Frédéric Moreau, Henry James y situe quelques scènes dans l’Américain. Proust, dans Du côté de chez Swann y transpose son héros inquiet et jaloux à la recherche d’Odette.
Et surprise, Umberto Eco, dans Il Cimitero di Praga, que je lis avidement, y place aussi son narrateur faussaire, faisant ainsi référence au menu du Café : « Devo avere la memoria nel naso, ma ho l’impressione che siano secoli che non aspiro più il profumo di quel menu :  soufflés à la reine, filets  de sole à la Vénitienne, escalopes de turbot au gratin, selle de mouton purée bretonne… E come entrée : poulet à la portugaise, o pâté chaud de cailles, o homard à la parisienne, o tutto insieme, e come plat de résistance, che so, cannetons à la rouennaise o ortolans sur canapés e, per entremet, aubergines à l’espagnole, asperges en branches, cassolettes princesse…Come vino non saprei, forse Château-Margaux, o Château-Latour, o Château Lafite, dipende dell’annata. E per finire, una bombe glacée.
La cucina mi ha sempre soddisfatto più del sesso – forse un’impronta che mi hanno lasciato i preti. »

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