Fondé en 1822,
le Café Anglais, à l’angle du Boulevarde des Italiens et de la rue Marivaux, devint
à la fin du Second Empire, le plus snob de tous les cafés et le plus couru dans
toute l’Europe.
Bien que sa
façade soit particulièrement austère, l’intérieur est très cosy :
boiseries d’acajou et de noyer, miroirs clinquants patinés à la feuille d’or. Ses
salons particuliers accueillent une clientèle aisée accompagnée de « cocottes »,
les plus hautes personnalités parisiennes et étrangères. Le café Anglais est à
la mode mais on y court aussi pour déguster la cuisine d’un des plus célèbres
chefs de Paris, Adolphe Dugléré. Un chef qui est décrit comme taciturne et sévère
qui exige des matières premières de qualité et qui a le plus grand mépris pour
les ivrognes et les fumeurs de tabac. On lui doit le potage Germiny, potage
doublement capitaliste : puisqu’à l’oseille et dédié au Comte Germiny,
gouverneur de la Banque de France. Et c’est pour une de ces fameuses
courtisanes du Second Empire, Anna Deslions, que Dugléré va créer les « Pommes
Anna ».
Bref, un café
qui n’avait de café que le nom, le restaurant disparut un peu avant la Première
Guerre Mondiale.
D’après Les
cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882, on peut lire « qu’on
se réunit au Café Anglais pour banqueter, déjeuners fins, dîners délicats,
soupers où pétille le champagne. »
De nombreux écrivains
se servirent du décor du Café Anglais pour leurs intrigues. Ainsi Balzac
conduisit Rastignac au Café Anglais et Mme de Nucingen, puis Lucien de
Rubempré. Flaubert dans l’Education Sentimentale y fait déjeuner Frédéric
Moreau, Henry James y situe quelques scènes dans l’Américain. Proust,
dans Du côté de chez Swann y transpose son héros inquiet et jaloux à la
recherche d’Odette.
Et surprise,
Umberto Eco, dans Il Cimitero di Praga, que je lis avidement, y place
aussi son narrateur faussaire, faisant ainsi référence au menu du Café : « Devo
avere la memoria nel naso, ma ho l’impressione che siano secoli che non aspiro
più il profumo di quel menu : soufflés
à la reine, filets de sole à la
Vénitienne, escalopes de turbot au gratin, selle de mouton purée bretonne…
E come entrée : poulet à la portugaise, o pâté chaud de cailles,
o homard à la parisienne, o tutto insieme, e come plat de résistance,
che so, cannetons à la rouennaise o ortolans sur canapés e, per entremet,
aubergines à l’espagnole, asperges en branches, cassolettes princesse…Come
vino non saprei, forse Château-Margaux, o Château-Latour, o Château
Lafite, dipende dell’annata. E per finire, una bombe glacée.
La cucina mi ha
sempre soddisfatto più del sesso – forse un’impronta che mi hanno lasciato i
preti. »
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