vendredi 14 mai 2010

CE QU'IL ME FAUT

Chantez, chantez encor, rêveurs mélancoliques,
Vos doucereux amours, et vos beautés mystiques
Qui baissent les deux yeux;
Des paroles du coeur vantez-nous la puissance,
Et la virginité des robes d'innocence,
Et les premiers aveux!

Ce qu'il me faut à moi, c'est la brutale orgie,
La brune courtisane à la lèvre rougie,
Qui se pâme et se tord;
Qui s'enlace à vos bras dans sa fougueuse ivresse,
Qui laisse ses cheveux se dérouler en tresse,
Vous étreint et vous mord!

C'est une femme ardente autant qu'une Espagnole,
Dont les transports d'amour rendent la tête folle
Et font craquer le lit;

C'est une passion forte comme une fièvre,
Une lèvre de feu qui s'attache à ma lèvre
Pendant toute une nuit!

C'est une cuisse blanche à la mienne enlacée,
Un regard embrasé d'où jaillit la pensée;
Ce sont surtout deux seins,
Fruits d'amour arrondis par une main divine,
Qui tous deux à la fois vibrent sur la poitrine,
Qu'on prend à pleines mains!

Eh bien! venez encor me vanter vos pucelles,
Avec leurs regards froids, avec leurs tailles frêles,
Frêles comme un roseau,
Qui n'osent de leurs doigts vous toucher, ou rien dire,
Qui n'osent regarder et craignent de sourire,
Ne boivent que de l'eau!

Non, vous ne valez pas, ô tendres jeunes filles
Au teint frais et si pur caché sous la mantille
Et dans le blanc satin,
Non, dames du grand ton, en tout, tant que vous êtes,
Non, vous ne valez pas, femmes dites honnêtes,
Un amour de catin.

ALFRED DE MUSSET
(1810-1857)

1 commentaire:

myra a dit…

eh, oui, Musset disait de si belles paroles, et surtout très vraies encore de nos jours!
bisesssssss