Il est midi. Mon
fils M. me conduit à l’hôpital pour la prise de sang habituelle, qui précède
tout nouveau traitement.
Il fait beau. Il
fait chaud. J’observe ce paysage, plus que familier, défiler sous mes yeux
décillés et constamment humides et larmoyants.
La mer couleur
émeraude, sans ondulation, les plages pleines de monde, les maisons, les
arbres, la route, les autres véhicules, le pont sur le fleuve, le soleil qui
miroite et qui chauffe ma peau qui est devenue un aimant et qui brûle sans
protecteur solaire.
J’appréhende l’attente.
L’impatience de la longue attente debout, le dos appuyé contre toute surface
dure, car la fatigue me plombe les jambes, entre gens masqués et aussi
impatients que moi . J’essaye de ne pas y penser et de m’abstraire. L’exercice
de la patience est devenu un impératif, au quotidien.
J’invente
rapidement un subterfuge, une astuce. La fugue. J’ébauche une histoire pour me
distraire. Puis j’essaye de me souvenir d’épisodes merveilleux de ma vie…
Quels épisodes ?
Je sens un léger vertige. Passons à autre chose…
Ces derniers
temps tout semble m’échapper des mains à une allure vertigineuse, en même temps
que nos sociétés humaines sont tombées dans une démesure aux contours schizophréniques. Les gens sont comme fous, après de longs mois
de confinement et de privations… des fêtes sauvages et clandestines s’organisent
un peu partout et remettent en question toutes les précautions prises jusqu’à
ce jour. Un reconfinement a lieu dans plusieurs pays. On parle déjà d’une
deuxième vague, dans la presse internationale et les journaux télévisés que je
regarde parcimonieusement. Je suis devenue religieuse – ma religion, le
fatalisme, n’exige aucune dévotion, ni prière. Il me suffit d’ouvrir les yeux
tous les jours et de vouer mon corps à l’Univers.
J’oscille
plusieurs fois par jour entre la colère et la résignation, entre l’angoisse
sans nom et un calme exagéré.
Parfois, il me
vient une envie soudaine de pleurer, mais aucune larme n’est versée, comme si
la crise de pleurs s’accomplissait par le simple désir.
Certains jours,
je ressens un spleen tristement féroce, je m’ennuie et je m’énerve ;
d’autres jours, je suis aussi languide que mes chats et je m’enthousiasme pour
des bricoles sans intérêt aucun.
Ou bien je me
passionne pour un arbrisseau qui pousse spontanément, dans mon jardin, par
exemple, le chant des oiseaux au petit matin… et il me devient presque
insupportable de ressentir autant de bonheur.
D’autres fois
encore, je deviens âpre et dure comme l’acier et je me referme sur moi-même,
indifférente aux autres, à la vulgarité du monde et à toutes ces misérables tragi-comédies.
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