« If a
man could pass thro’ Paradise in a Dream, and have a flower presented to him as
a pledge that his Soul had really been there, and found that flower in his hand
when he awoke – Aye ? And what then ? »
from the notebooks
of Samuel Taylor Coleridge
Je ne sais plus
comment exprimer le doute, la crainte, l’anxiété.
C’est l’été
aujourd’hui, mais rien ici ne ressemble plus vraiment à l’idée qu’on se fait habituellement
de l’été.
Cette douce et
charmante saison de l’année ne suscite d’ailleurs plus aucune excitation ou
exaltation particulière de ma part.
Il fait chaud,
certes, mais ma tanière est fraîche et après avoir passé le printemps, confinée
entre ces quatre parois, et face aux récents événements, j’avoue que l’envie me
prend de ne plus jamais sortir dehors.
Mon sentiment contradictoire,
partagé entre la claustrophobie qu’entraîne un trop long confinement et l’agoraphobie
suscité par l’idée d’aller dans la foule, semble être partagé par d’autres humains. Pas plus
tard qu’hier, un ami de province me disait qu’il craignait que certaines
personnes de son entourage, notamment son meilleur ami et sa propre mère, ne
sortent plus jamais de chez eux, tellement le traumatisme semblait être
profond, et tellement ils semblaient s’être accommodés à la situation de
réclusion et développé par la même occasion une crainte presqu’irrationnelle de
la rue et des autres.
Je dirais, en m’auscultant
moi-même, que je suis certainement atteinte de ce syndrome, même si à un
degré moindre, commun à ces deux êtres, et que nous sommes certainement nombreux
dans ce cas, au vu des fêtes clandestines et des rassemblements sauvages,
organisés par toute sorte d’imbéciles heureux, un peu partout dans le monde,
qui ont déclenché une nouvelle vague de contaminations et un retour en arrière
dans certaines règles de déconfinement et l’imposition de lourdes amendes aux
prévaricateurs de tour acabit.
À mesure que le
temps passe, chaque jour devient répétitif et monochrome. Ma routine de recluse
n’est brisée que par quelques sorties obligatoires à l’hôpital pour me
soumettre aux traitements de chimio.
Est-ce que je
ressens encore du plaisir ? Mais comment définir désormais le plaisir ?
Je regarde par
la fenêtre et je me demande par moments à quoi bon ?
Ces moments de
doute peuvent aller d’une minute à une journée entière de torture de l’âme, de
rage incontrôlable, d’indolence indifférente ou d’apitoiement gratuit.
Je m’oblige
alors méthodiquement à rebrousser chemin. J’avale une bouffée d’air comme si je
respirais pour la première fois et bien que ma poitrine soit douloureuse, je
redécouvre le plaisir de simplement respirer.
Oui, il est très
facile d’arriver à un tel degré de malheur, sans savoir exactement pourquoi on
y est arrivé, et d’en venir à l’aimer comme si c’était la seule émotion qui en
vaille la peine. C’est idiot, je le
sais. J’en prends immédiatement conscience. C’est ce qu’on appelle probablement
la force de l’âge. La sagesse en somme.
Aujourd’hui, c’est
le premier jour d’été.
Il fait beau.
Les oiseaux
chantent dans les arbres.
Personne ne peut
être véritablement heureux en vivant à la merci de ses instincts et de ses
pulsions. Et je pense au lent renoncement serein qui ramollit ma nature encore
trop inquiète, anxieuse et exaltée .
Ce doux repos recherché
par un esprit trop longtemps tourmenté qui se met désormais à l’abri des effets
dévastateurs des douleurs des passions et n’aspire plus qu’à vivre dans la tiédeur
de l’aurea mediocritas, sans
souffrances inutiles.
J’aspire à (re)gagner
et cultiver ma nature contemplative, dans le calme et la paix. Pourtant, trop
souvent encore, je m’évertue à chasser le naturel et il revient au galop…
Je me sens parfois
comme un arc sans flèche, après l’avoir malencontreusement brisée en mille
morceaux, mais je suis de plus en plus consciente qu’il y a une joie sous-jacente
au renoncement, à la résignation.
Je ne veux plus
brûler du feu et de la frénésie des passions et de la démesure orgueilleuse de
mes désirs et de mes ambitions. Je
souhaite humblement m’éloigner de tout ce qui représente la vacuité et la futilité
de mon existence. Je veux me reposer et atteindre la sérénité de la fleur qui
balance sous le souffle calme de la brise.
Je veux atteindre
le degré de conscience qui me permettra de gagner assez d’intelligence émotionnelle
pour finalement parvenir à cette forme suprême de perfection humaine – le détachement.
Je veux
abandonner tout ce qui peut encore contribuer à me détruire et me dissocier de
mon moi profond.
Je ne ressens
plus aucun intérêt envers l’autre.
Je veux m’intéresser
à moi, me sauver moi, le seul être
vraiment présent à mes côtés et que je trainerais jusqu’à ma mort.
Je ne vais pas
continuer à trainer, comme des boulets, les cadavres du passé.
Je les abandonne
aux charognards.
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