« Je ne
sais pas ce que je deviendrai. Je ne sais pas où je vais. Je sais seulement que
je ne veux peux plus tenir compte de ce que disent les autres. Je dois trouver
mon propre chemin. »
Une Maison de
Poupée, Henrik Ibsen
Je suis une vieille
femme avec une âme de jeune fille.
Mon dos est rond
et courbe, et mes cheveux sont blancs et parsemés, mais il me prend encore
parfois l’envie de récréer le monde, de chercher la vie et ses pulsations dans
les nervures des feuilles d’arbres, dans une brindille d’herbe ou dans un
caillou inerte.
La Nature, pour
moi, fait partie de ce bout de paradis perdu et tout ce qui y pousse et se
développe est empreint d’une vie propre et d’une beauté sublime. Je pense que je
me dis athée, à tort, car je suis en vérité une panthéiste.
Je vis, actuellement,
dans une sorte d’univers parallèle et imaginaire que j’essaye éperdument de rendre
plus réel que tous les souvenirs douloureux voire désespérants qui me dépriment
mortellement. La solitude et l’attente m’entrainent parfois dans un état de
stupeur duquel j’ai du mal à émerger.
Alors, pour me
rendre la vie un peu plus supportable, je rentre dans le pays des rêves. Le pays
des rêves éveillés. Et je rêve surtout de voyages et de déambulations.
Je veux
désormais connaître le monde dans son immense variété. Je veux commencer à (re)vivre
de façon légère et sans complications. Je ne veux plus d’une existence tiède,
inauthentique et frivole, à l’instar de celle que j’ai mené jusqu’à cette date.
Je ne souhaite pas
attendre qu’on m’envoie l’invitation pour « le monde d’après »
comme je l’ai entendu dire à une jeune humoriste. Je m’autorise à m’y rendre
seule. Dans mes délires les plus fous, je songe même à devenir danseuse de
corde dans un cirque !
Les cirques existent-ils
encore d’ailleurs ?
Pour mon voyage
de globe-trotter, que je prépare avec soin, je suis surtout préoccupée
par mes bagages : quels vêtements emporter, quels livres prendre avec moi ?
Je veux, avant
tout, grimper de nouveau quelques montagnes. Des montagnes réfléchies dans les
fjords placides et scintillants de Norvège aux montagnes qui touchent un ciel
plein de soleil et où la neige s’attarde aux sommets et sur les pentes
ombreuses.
Le Kilimandjaro !
cette montagne emblématique… il me faudra y grimper, c’est une promesse de
longue date déjà, et puis viendra le mont Fuji et puis… on verra s’il me reste
encore des forces !
Les jours, les
semaines, les mois paraissent n’avoir pas de fin, pas de but, pas de signification.
Je note soigneusement mes divagations, mes pensées, mes états d’âme et mes
souvenirs épars dans ce log book de la maladie et du confinement.
Je passe mes
journées à lire et à prendre quelques notes plus ou moins détaillées, qui me
serviront plus tard, sur mes lectures,
lorsque mon état physique et mental me le permet.
J’essaye ainsi
de me retrouver moi-même. J’essaye d’appartenir quelque part, même retranchée
du monde extérieur, ne parlant à personne durant des jours d’affilée, n’ayant
plus aucun contact physique avec les amis qui me restent.
Je passe ma vie
confinée, dans ce petit appartement, dans une semi-obscurité voulue mais qui n’en
est pas moins pesante. Une chose est certaine, quelque chose en moi a changé à
jamais.
Souvent, je me
réveille avec une pierre dans l’estomac et une nausée incontrôlable. Tout ce
que je parviens à manger acquiert un arrière-goût métallique, au point que
manger de la viande ou du poisson ou un fruit ou un bout de plastique ou de
carton aurait la même saveur. J’ai néanmoins
réussi à ne pas vomir une seule fois. Je tente d’exercer un semblant d’auto-contrôle
sur mon corps et mon esprit. Mon état de conscience et ma capacité d’auto-préservation
y sont pour quelque chose.
Dans la
faiblesse de ma déchéance, je suis devenue forte. Je ne me désintègre plus en
mille morceaux et fragments au moindre choc.
Je n’ai plus, enfouis
en moi et en attente, que quelques profonds désirs: sentir le vent et le soleil
sur mon visage et mon corps, aspirer le parfum qui se dégage des arbres, des
rochers et de la terre que je foule, humer l’air marin, plonger dans les
profondeurs aquatiques et imaginer tout ce qui s’y passe, contempler la mer
durant des heures…
Je veux éprouver
la joie toute simple d’être, après cette nuit éternelle qu’est devenue ma
vie.
Je ne veux plus
suivre les pas des autres. Je ne veux plus tendre la main pour accrocher celle
de quiconque. Je ne veux plus suivre autrui, comme si ma vie ne pouvait s’accomplir
qu’à travers quelqu’un d’autre. Je me suis bien rendu compte combien il est
absurde et ridicule de vouloir me réfugier en quelqu’un d’autre pour échapper à
ma solitude et à mon insécurité.
L’amour a eu
dans ma vie de nombreux visages, mais je n’en garde aucun bon souvenir.
Je ne veux plus
compter désespérément sur les autres pour construire mon propre bonheur. C’en
est fini de compter sur autrui pour me donner l’assurance qui me manque. Je ne
veux plus me tourmenter à propos de quelque chose qui ne fera plus partie de ma
vie quotidienne. Je ne souhaite plus mesurer mon bonheur à cette aune.
Je suis, irrévocablement,
en pleine transition, en pleine mutation, comme ces animaux qui muent et
changent de peau ou ces autres mammifères, tels les cerfs, qui perdent leurs bois.
Il est difficile
de comprendre et surtout d’accepter comment et pourquoi, d’un jour à l’autre,
le destin nous joue un sale tour. Il faut du temps pour en prendre conscience,
s’ouvrir au chagrin, puis tout accepter comme faisant partie de l’existence, du
reste du parcours, du développement, du changement. Et d’un moment à l’autre,
le destin se pointe une fois encore et un autre coup de bâton, puis un autre encore
nous déchire les reins. Et de coup de bâton en coup de bâton, roué de coups, on
avance à pas chancelants, la peau est déchiquetée, les douleurs sont atroces, on
se cabre mais on s’y habitue presque… on se renverse dans le fossé, puis vient un
jour où le bâton n’est plus accepté, on se sort de l’ornière et on marche droit
devant soi.
Je sais, aujourd’hui,
que je me suffis à moi-même.
Je veux un
bonheur à l’état pur!
En bref, je ne veux plus qu'une chose: VAGABONDER!
En bref, je ne veux plus qu'une chose: VAGABONDER!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire