« Man
starts over again everyday, in spite of all he knows, against all he knows. »
Emil Cioran
On parle souvent
de la « bonne fatigue ». Celle qui nous permet de mollement nous
abandonner à la volupté d’un sommeil réparateur lorsque le corps réclame ses droits.
Depuis des
semaines voire des mois que mon corps, rendu inutile par la maladie n’a plus
souvenir de cette mollesse qui soulage aussi l’esprit et lui permet de vivre
plus facilement, sans inquiétude ni insatisfaction.
Mon impatience, déjà
légendaire, est croissante. Une obscurité profonde s’empare des tréfonds de ce
corps disloqué et de ce cerveau torturé, infiniment lâche, qui gémit à mesure
qu’il se désintègre.
Le soleil apparaît
chaque jour et pourtant j’ai froid et je frissonne. Dans ma chambre, il fait un
froid sibérien.
La plupart des
jours, je ne parviens plus à sortir de mon lit. Je suis pâle et maigre comme la
Princesse Olympie. Mon sang a probablement été sucé par un vampire durant la
nuit. Mon estomac ne retient plus rien, mes intestins non plus. Mes bras et mes
jambes sont contractés par la douleur. Je peine à respirer. La maladie et la
souffrance ont drainé toute mon énergie vitale.
Les relations
humaines sont devenues une contrainte et m’exaspèrent au plus haut degré.
J’ai toujours éprouvé
de fortes difficultés à communiquer avec autrui, que ce soit au travail ou
ailleurs, maintenant ça s’est aggravé. Les choses ont empiré et je fais le vide
autour de moi.
Un vide qui est
plus que de la solitude. C’est comme si je vivais seule sur la Lune.
Les jours, vides
de toute stimulation extérieure, puisque je reste indéfiniment confinée, se
succèdent interminablement. J'empile du vide sur du vide.
Je ne parviens
plus ni à travailler, ni à lire… l’unique effort de l’écriture m’éreinte lui aussi
et épuise mes faibles forces, à tel point que bientôt je devrai également y
renoncer.
Je compte les
heures, les jours, les semaines, les mois qu’il me reste encore à vivre. Et je
regarde en arrière. Une ombre gigantesque s’étend désormais sur mon existence. La
mort pénètre insidieusement dans mon corps.
Mon existence,
en rétrospective, n’est rien d’autre qu’un enchaînement d’événements, porteurs
de destruction.
J’ai tantôt
détruit, et tantôt été détruite. La plaie béante qui s’ouvre comme une fleur,
sur mon bas ventre, le prouve et je dois la cautériser à froid dès qu’elle s’ouvre
de nouveau. Les douleurs sont atroces et la cicatrisation peine à se faire.
Je suis
désormais en attente, dans l’antichambre de l’Enfer, où une horloge déréglée
sonne à n’importe quel moment du jour et de la nuit.
Ici, je ne peux
ni boire, ni manger, ni dormir. Je suis inquiète. J’ai peur, maintenant que je
suis sur le point de décoller, de quitter la terre. Je suis prise d’une peur
ancestrale, viscérale, irraisonnée, celle que les grecs appelaient la panique.
J’arpente le
plancher nerveusement pendant quelques minutes, puis je m’affale, sur ma couche,
à bout de forces.
Le réveil
indique deux heures du matin. J’étais en plein rêve. Il me faut sortir de ce
labyrinthe étroit. Je dois m’enfuir. Je marcherai vingt fois autour du monde s’il
le faut. Il me faut vraiment commencer à
vivre « autrement ».
Le monde
extérieur existe-t ’il encore ? La première chose à faire est d’aller voir
si les choses et les gens sont encore là.
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