samedi 23 mai 2020

Log book # 64




Alors que le déconfinement s’effectue dans beaucoup de pays européens et du monde entier, avec des mesures imposées pour limiter la transmission du coronavirus, comme le port du masque obligatoire dans les espaces publics et les transports en commun, la distanciation sociale dans les lieux de travail et les écoles et restaurants, on assiste un peu partout à des mouvements de contestation contre ces mesures jugées trop restrictives et visant supposément dénoncer les limitations des libertés publiques.
Ces rassemblements sont à vrai dire assez hétéroclites. En Allemagne, notamment, ils réunissent des extrémistes, des opposants aux vaccins, des antisémites et des complotistes. Ils dénoncent pêle mêle le port du masque dans les magasins ou les restrictions de mouvement qui subsistent après le déconfinement autour d’un slogan : « wir sind das volk » (« nous sommes le peuple »), le cri de ralliement des Allemands de l’Est contre la dictature communiste, à l’automne 1989.
Ces manifestations « constituent un réservoir dans lequel antisémites, conspirationnistes et négationnistes peuvent se retrouver », met en garde Félix Klein, commissaire du gouvernement pour la lutte contre l’antisémitisme, surtout quand ce mouvement est soutenu notamment par le parti AfD (Alternative pour l’Allemagne).
« Une stratégie classique de l’extrême droite » dit Katharine Nocur, coauteure avec Pia Lamberty d’un ouvrage sur les complotistes intitulé : « Fake facts : How Conspiracy Theories Influence our Minds ».
Ces foules rassemblent des personnes influencées par les théories du complot : ceux qui ne croient pas en la science, ceux persuadés que la 5G est utilisée pour contrôler leur cerveau et qui intègrent désormais le coronavirus dans leurs complots en disant soit que la covid-19 n’existe pas soit, à l’inverse, que c’est une arme biologique ou que c’est une invention de Bill Gates ou de George Soros.
« Les manifestants ne partagent pas une seule et même croyance. Ils ont en commun leur volonté d’aller à rebours de la société. » Ils sont unis contre le gouvernement et les mesures prises pour contrôler la pandémie. On a donc des groupes qui vont de l’extrême droite à des tendances plus spiritualistes ou ésotériques.
Le problème est que certains des groupes qui appellent à ces manifestations n’excluent pas l’extrême droite ; ils n’en sentent pas la nécessité. Ils disent : « Nous ne sommes pas de droite, nous ne sommes pas de gauche, nous sommes juste libres. »
Mais ça, c’est bel et bien une stratégie classique de l’extrême droite qui, en fait, utilise ces manifestations comme un cheval de Troie pour imposer son agenda à la société tout entière. »
C’est une prise en otage d’une colère qui peut être légitime. Les citoyens ont une légitimité à manifester pour leurs droits, à protester contre la manière dont cette pandémie est gérée ou pour promouvoir une meilleure façon de le faire.
« Cette pandémie constitue en tout cas un terreau fertile pour les complotistes. Les études de psychologie montrent bien que les gens sombrent plus facilement dans les théories du complot lorsqu’ils sont anxieux, lorsqu’ils se sentent impuissants ou quand ils ont le sentiment de ne pas avoir prise sur leur vie ou sur leur situation.
Or la pandémie questionne tout le monde, même les scientifiques avouent leur ignorance. Il est difficile d’avoir des certitudes. Nous ne pouvons pas nous projeter de façon certaine dans l’avenir. C’est ainsi que peuvent se propager plus facilement ces théories du complot qui fournissent une réponse, une grille de lecture structurée, là où il n’y a que désordre et confusion. »

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