mardi 19 mai 2020

Log book # 60




Le billet politique par Frédéric Says sur France Culture

« Face à une crise aussi singulière, inédite, exceptionnelle, jamais connue de mémoire d’humain, les responsables politiques se contentent trop souvent de recycler leurs idées traditionnelles.
Est-ce l’effet de la sidération ? Pour l’instant, on distingue peu d’innovations au firmament des idées. Il y a comme une impression de faille spatio-temporelle. Les réponses politiques sont d’un conformisme absolu, sans surprise. Sans suspense. Des rengaines classiques, comme si rien de spécial n’était en train de se passer.
Pour certains, cette crise sanitaire ratifie la critique du « productivisme néo-libéral », pour d’autres, au contraire, elle donne raison à la politique de baisse des déficits, une rigueur qui permet d’atténuer le choc et de financer la relance de l’économie.
La pandémie, nous dit Daniel Cohn-Bendit, rend plus urgente l’intégration européenne. Et pour d’autres, elle valide à l’inverse l’idée d’une fermeture des frontières.
Bref, si l’on tend l’oreille, tous entonnent une mélodie assez peu novatrice. Celle du : « J’avais raison et les événements le confirment. »
Une situation résumée par Raphaël Glucksman, du mouvement Place Publique, dans le Figaro.
« La plupart [des politiques]voient dans la crise la confirmation de ce qu’ils ont toujours cru. Leur monde d’après, c’est leur programme d’avant. »
Ce phénomène, c’est ce qu’on appelle le « biais de confirmation » : cette faculté à utiliser ce qui arrive pour renforcer sa propre vision du monde.
De sorte que ce choc mondial, inédit semble être traité comme une péripétie de l’actualité, qui permet de faire du commentaire et de recycler des idées anciennes.
« Le jour où un astéroïde frappera la terre, il est fort à parier que l’on entendra encore parler des 35 heures, de l’Ultra-libéralisme et de l’intégration européenne. Cela dit, il faut se montrer indulgent. Nous ne sommes en réalité qu’au début de cette crise. Et l’on peut comprendre la sidération, l’hébétude qui pousse à ressasser, plutôt qu’à innover. C’est davantage un réflexe qu’une réflexion.
Du point de vue de l’émulation intellectuelle, c’est ce qui peut arriver de pire. Une sorte de résignation devant des discussions déjà entendues, alors que les logiciels de pensée ne peuvent qu’être remis en cause. »
Des tribunes d’intellectuels et d’artistes ont candidement lancé des pétitions pour imaginer le « monde d’après » et se sont fait collectivement descendre et moquer car ce sont des nantis, de la classe des privilégiés et on leur en veut beaucoup en ce temps de déchéance économique et financière pour une grande partie de la population.
J’ai à ce propos lu quelque part que cette crise montre bien le fossé existant entre les classes moyennes et les riches et les pauvres. Les premiers souffrent de l’ennui, les seconds de la faim !
Le président Macron avait suggéré aux français de profiter du temps de confinement pour se retrouver et pour lire. Cela non plus, n’a pas été possible pour tous. Il y a ceux qui peuvent se permettre d’attendre en relisant leurs classiques au fond de leurs bibliothèques, en attendant que ça se passe. Pour les autres, rien ne se passe.
Vision élitiste et coupée du monde ?
La fracture est notoire.

Aucun commentaire: