« Mais si
je prends de ce plaisir avec tant de prudence et de circonspection, ce ne sera
pas tant un plaisir pour moi. »
Lope de Vega
J’ai sans aucun doute un tempérament bilieux.
Je suis souvent fort adonnée à la haine et à la rancœur.
Je poursuis inlassablement mes projets de
vengeance, puis je les laisse retomber à plat, tellement je m’aperçois de mon
malheur intérieur.
Je suis de guerre lasse et je ne suis
méchante que parce que je suis malheureuse. J’aspire à une nature morne et
sèche ; une sensibilité sotte me donnerait certainement de la contenance.
Aujourd’hui, je suis horriblement fatiguée.
Mes mains tremblent un peu alors que j’écris ces quelques phrases.
Ce log book est
devenu une sorte de journal de siège. Toutes les idées vaines et vulgaires qui
me traversent l’esprit finissent ici recouvertes d’un voile. Mon imagination
est à la dérive. Je me sens pour ainsi dire portée vers le lointain. Je suis un
être à peine animé. Mes yeux dans le miroir ont perdu tout leur feu.
Je crains de
devenir une vraie maniaque – moi, qui garde d’habitude la tête si froide, je
suis descendue à un état de déraison complet.
Malgré mes efforts,
je manque de fermeté en toute chose. L’effort ultime que je m’impose pour paraître
tout à fait normale absorbe toutes les forces de mon âme. J’aspire de tout mon
être à un calme affranchi de toute vive émotion. Je veux fuir cette ivresse
morale, ce trop plein de sensibilité qui me nuit à chaque instant.
Je ne parviens
plus à trouver le sommeil. Mes traits témoignent de mon abattement physique. Ma
vie est devenue ennuyeuse à périr. Puissé-je le faire et je commettrais presque
un crime pour me distraire de ma vie !
Un des moments
les plus pénibles est celui où chaque matin, en m’éveillant, je reprends
contact avec le réel, avec mon malheur actuel.
Tout le redouble,
même la simple vue de ma chambre m’est devenue insupportable. Mes journées se
passent dans l’inaction la plus absolue. Je m’ennuie infiniment. Ma vie de tous
les jours est totalement insipide, c’est à en hurler aux loups !
Tout l’ennui de
cette vie sans intérêt que je mène, tout ce temps usurpé et gaspillé… mon âme
est en proie à de violents combats qui achèvent de lui ôter toute ambition.
Ce n’est qu’à
force de raisonnement et de force de caractère que je parviens à me maintenir
un peu au-dessus du désespoir alors que j’avais cru pourtant l’avoir déjà
vaincu.
Mais bien
souvent, hélas, tous ces beaux raisonnements sont sans effet contre l’affreuse
réalité de cet exécrable confinement qui s’éternise.
Pourquoi suis-je
redevenue moi de nouveau ?
Mon esprit s’est
remis à tout craindre. Au fond de mon cœur aucune jouissance réelle. Quel ennui
intolérable !
Tous mes démons
sont revenus frapper à ma porte, il me faut réunir mes forces et les subjuguer
de nouveau !
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