mercredi 6 mai 2020

Log book # 49




Dès le départ, les restrictions formulées, en vertu du confinement décrété, un peu partout dans le monde, ont suscité de nombreux débats, notamment chez les juristes : « Ne touchons pas aux libertés fondamentales » est leur motto.
L’historienne allemande Ute Frevert va même jusqu’à affirmer : « Ici, en Allemagne, on parle beaucoup de confiance mutuelle. Les citoyens font confiance au gouvernement. Le gouvernement fait confiance aux citoyens. Si on compare avec la France, le Portugal, l’Espagne, l’Italie où les mesures ont été très fortes et restrictives, en Allemagne, on n’a pas blessé autant les gens et amoindri autant leurs libertés. »
Dans son article, publié le 28 avril, dans le quotidien Frankfurter Allgemeine, elle considère que « cette épidémie permet de mesurer la maturité d’une société. »
En plus de mettre en pratique ce concept de confiance mutuelle, les Allemands ont, d’après elle, aussi fait preuve d’assistance mutuelle, d’entraide. « Une société qui combat l’égoïsme est une des preuves d’une société mature ».
Lors de son allocution télévisée, Angela Merkel a très vite blâmé les Allemands qui vidaient les rayons des supermarchés en papier toilette ou en pâtes. « C’est inutile et, en fin de compte, ça manque totalement de solidarité » leur a-t ’elle dit.
Pour l’historienne, « les Allemands ont aussi voulu profiter de cette crise pour corriger cette image de peuple égoïste qui leur colle à la peau », notamment depuis la crise de la zone Euro en 2011 et leur attitude face à la Grèce.
« Les mentalités ne changent pas en une nuit » nuance-t ’elle. « Je ne parlerais pas de ce moment comme d’un tournement décisif, il faudra juger dans la durée. Mais cette crise a montré que nous avions un potentiel. Nous pouvons être des rossignols plutôt que des corbeaux. »
Elle s’inquiète aussi d’une atmosphère de délation et d’un contrôle social excessif, phénomène que l’on a pu constater dans d’autres pays aussi, comme au Japon, par exemple. Elle en appelle à la décence (Anstand, en allemand) qui doit aller de pair avec la distanciation sociale (Abstand)  pour éviter que la société ne se délite.
«  Les citoyens font preuve d’une discipline impressionnante, mais il y a toujours des moutons noirs. Alors certains qui disent obéir aux règles se sentent obligés de les dénoncer, ce sont les corbeaux et cette pratique est insupportable » explique-t ’elle.
Dans un pays qui a connu deux régimes sous lesquels informer sur les autres était pratiquement une politique nationale, a commencé à apparaitre sur les réseaux sociaux le mot « Denunziant » (mouchard ou dénonciateur).
« Tout cela semble confirmer un préjugé profond que les allemands ont contre eux-mêmes : qu’en cas de doute, une partie de la population est prête à devenir une extension du pouvoir de l’Etat », déclare le professeur de Psychologie Christian Stoecker à l’hebdomadaire Der Spiegel.
La police allemande reçoit quotidiennement plusieurs centaines de signalements par téléphone, mails ou réseaux sociaux « qui n’impliquent pas tous une intervention. A Munich, environ 100 à 200 citoyens appellent chaque jour. A Berlin, la police elle-même, agacée par des appels de délation, a demandé, sur Twitter, aux habitants d’arrêter de saturer le numéro d’urgence 110 pas destiné à signaler des violations au confinement. »
Et de l’autre côté de l’Atlantique, le secrétaire d’Etat américain a, dimanche dernier, affirmé détenir une « preuve énorme » confirmant que la Chine a sciemment produit et diffusé le coronavirus.
Les relations entre les EUA et la Chine sont ainsi entrées dans une nouvelle phase de fortes turbulences. La Chine a été accusée par le président Trump, sur la chaîne Fox News, d’avoir couvert l’apparition de l’épidémie à ses débuts, d’en avoir masqué l’ampleur au monde et de l’avoir ensuite sciemment exportée à l’étranger.
« Ils ont fait une erreur terrible au départ et ils ont tout fait pour la cacher » résume Trump qui affirme aussi que « les chinois sont prêts à tout pour me faire perdre l’action présidentielle de novembre. »
Une preuve qu’il n’est bien évidemment « pas autorisé à révéler » et que les services de renseignement américains se gardent bien de corroborer pour l’instant.
Mark Pompeo affirme encore : « Ce n’est pas la première fois que la Chine contamine le monde depuis ses laboratoires qui ne respectent pas les standards internationaux. »
Et ce discours semble marcher, à lire Politico : la haine de la Chine gagne du terrain partout aux EUA, en tous cas dans les médias et les réseaux conservateurs. La Chine est don condamnée sans procès.
Mais attention, prédit à son tour l’éditorialiste Max Boot dans le Washington Post : « s’il n’est pas factuellement faux de dire que la Chine a volontairement tardé à lancer l’alerte internationale sur le nouveau coronavirus fin 2019, cela ne mène à rien, pour l’Amérique, de vouloir lui faire tout payer, y compris les manquements de sa propre administration. »
Si l’Amérique décidait de mettre la Chine à genoux financièrement, les effets sur l’économie mondiale seraient « bien pire encore ».
Et Max Boot conclut qu’après tout, si on suivait cette logique simpliste du bouc-émissaire, alors le monde serait en droit de demander des comptes aux EUA, car après tout, la grippe soi-disant espagnole qui a fait entre 50 et 100 millions de morts à travers la planète en 1918 et 1919 est partie d’une base militaire du Kansas et a voyagé aux frais de l’armée américaine.

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