Au beau
milieu de la nuit, la « forme » émerge, invariablement, telle une
insomniaque chronique.
Elle va
prendre une douche. Elle aperçoit
son reflet dans la buée du miroir de la salle de bains et elle se sourit.
Son corps ressemble maintenant à une épave fendue en deux, échouée sur la rive, fustigée par les rouleaux de l’océan.
Ensuite, elle s’étend sur le lit, durant des heures, enveloppée dans une serviette éponge.
Une langueur bienfaisante s’empare de son corps et la berce malgré une détresse
diffuse qui lui brouille l’âme. Ella a dans la bouche un goût métallique corrosif .
Combien de
jours encore devra-t ’elle rester confinée ?
Cela fera exactement cinquante jours
demain qu’elle tourne en rond, comme un fauve en cage.
Elle se lève, soudain, et prend les tempes à deux mains. Sa tête résonne, assourdie par le
bruit du sang dans ses veines.
Elle a du mal à maintenir l’équilibre et finit
par trébucher et se vautrer sur le tapis.
Elle reste là
immobile pendant des heures, jusqu’à ce qu’elle commence à trembler de froid.
Elle
se relève et se remet sur pied.
Elle parvient à aller jusqu’à la cuisine où
elle mange un fruit.
Elle a probablement souffert d’une chute de tension.
Il
faut surtout qu’elle garde son sang-froid.
Depuis des
jours et des semaines, le désœuvrement la tue à petit feu.
La réalité court à son rythme lent, s’effiloche et lui échappe des mains.
Elle est devenue
la femme invisible, privée d’identité. Une « forme » difforme et décolorée.
Elle est très amaigrie, osseuse, le visage couvert de rides, les yeux rivés de
plomb.
Une apparition cauchemardesque !
Elle ne reçoit plus aucun signe de l’extérieur – on l’abandonnait. On avait fini par l’oublier.
Personne ne venait plus. La clef était restée sur la porte.
Son regard
était désormais amenuisé par l’insomnie. Des cauchemars l’agitaient. Elle se murait dans l’amertume.
Elle s’allongeait
sur le lit et convoquait des visages et des voix qui survivaient dans sa
mémoire.
Un trop plein d’émotions commençaient à l’envahir, comme une marée
puissante et la soûlaient presque.
Ce confinement
avait eu raison de ses forces.
Elle vivait comme un proscrit en sursis.
Seule, elle était
pourtant plus libre qu’elle ne l’avait jamais été, même si un chemin noir s’ouvrait
devant elle comme un tunnel.
Le silence l’agaçait.
C’était un silence épais qui l’éveillait au milieu de la nuit.
Un silence habité
par le son des ténèbres.
Il lui venait
à chaque fois un désir d’errance.
Elle aspirait à une seule chose, un oubli
purificateur !
Une tristesse
indicible la prenait à la gorge.
Il lui fallait partir.
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