« Il
savait ce que sa mère pensait et qu’elle l’aimait, en ce moment. Mais il savait
aussi que ce n’est pas grand-chose que d’aimer un être ou du moins qu’un amour
n’est jamais assez fort pour trouver sa propre expression. Ainsi, sa mère et
lui s’aimeraient toujours dans le silence. Et elle mourrait à son tour – ou lui
– sans que, pendant toute leur vie, ils puissent aller plus loin dans l’aveu de
leur tendresse. »
La peste, Albert
Camus
L’armée et la police
continuent de surveiller nos concitoyens les plus récalcitrants. Quadriller la
ville, à la recherche de contrevenants, est devenu désormais le plan de route
de la plupart des forces de l’ordre. Interdiction de tout rassemblement,
fouille des véhicules, couvre-feu à huit heures du soir. Les villes du monde entier
se sont mises à ressembler à des villes mortes, à des villes fantômes. Les établissements
sont fermés et les terrasses des cafés et des restaurants sont vides et
abandonnées.
Je ne suis
sortie, pendant ces dix huit jours de confinement, que pour mes déplacements à
l’hôpital où je suis tenue de poursuivre mes traitements. Certains de mes amis sortent encore pour
faire un petit tour autour de leur quartier ou, pour les plus chanceux, dans
les champs environnants. Les plages ayant été interdites d’accès récemment. Ils
se dégourdissent ainsi les jambes, mais depuis le couvre-feu, la plupart des
gens font comme moi et restent cloîtrés chez eux ou ne sortent que pour aller
se fournir en denrées alimentaires, au supermarché.
Puis, il y a
ceux qui doivent impérativement aller travailler, pour assurer d’une part la continuité
de l’activité économique, le télétravail n’étant pas une possibilité donnée à
tous, et d’autre part, le personnel médical, les soignants, les livreurs, les
caissières des magasins, les aides à domicile, les auxiliaires de vie doivent
aller au front, en première ligne, en dépit des dangers inhérents à ce contact
qui est devenu synonyme de danger.
La possibilité de se soustraire aux risques n’est pas un privilège accessible à tout le monde.
Ces personnes qui ne peuvent exercer le droit de retrait, au risque de perdre leur emploi, y vont la peur au ventre ; situation aggravée par le gigantesque problème qui se pose un peu partout, du moins en Europe, qui est que ces personnes sont obligées d’aller au travail sans équipements de protection, qui font terriblement défaut.
La possibilité de se soustraire aux risques n’est pas un privilège accessible à tout le monde.
Ces personnes qui ne peuvent exercer le droit de retrait, au risque de perdre leur emploi, y vont la peur au ventre ; situation aggravée par le gigantesque problème qui se pose un peu partout, du moins en Europe, qui est que ces personnes sont obligées d’aller au travail sans équipements de protection, qui font terriblement défaut.
Le débat qui s’impose
dorénavant comme une évidence tourne autour de ces professions souvent
dévalorisées, aux yeux de tous, et qui tout d’un coup apparaissent comme les
plus essentielles, sachant qu’elles sont en général, très mal rémunérées.
Une réflexion s’imposera, très certainement pour la suite, concernant la considération, la reconnaissance sociale et la rémunération à leur attribuer, comme l’affirme la sociologue et philosophe Dominique Méda.
Pour elle, il faut, dès maintenant, penser l’après. Tous ceux qui ont porté cette idéologie néo-libérale, fait du profit comme jamais, creusé les inégalités… et plus généralement, combattu la légitimité de l’intervention de l’Etat dans la vie économique. Tout le monde doit participer à la sortie de cette crise et à la reconstruction d’une société nouvelle.
Une réflexion s’imposera, très certainement pour la suite, concernant la considération, la reconnaissance sociale et la rémunération à leur attribuer, comme l’affirme la sociologue et philosophe Dominique Méda.
Pour elle, il faut, dès maintenant, penser l’après. Tous ceux qui ont porté cette idéologie néo-libérale, fait du profit comme jamais, creusé les inégalités… et plus généralement, combattu la légitimité de l’intervention de l’Etat dans la vie économique. Tout le monde doit participer à la sortie de cette crise et à la reconstruction d’une société nouvelle.
Marcher! Je sais
que c’est ce qui me manque le plus douloureusement. Je suis dans la vie une
sorte de pèlerin voyageur, qui avance à bon rythme et bonne allure. La marche
est pour moi une véritable expérience d’exploration poétique, du paysage que je
parcours, du monde que je déchiffre, chaque jour avec des yeux neufs, un regard
sans cesse renouvelé, et de moi-même.
Il s’agit là d’une sorte de méditation active qui me régénère au plus profond de mon être, qui assure ma présence totale au monde.
Il s’agit là d’une sorte de méditation active qui me régénère au plus profond de mon être, qui assure ma présence totale au monde.
Je suis une marcheuse
compulsive et j’avoue que tourner en rond, dans mon appartement trois pièces,
me dresse comme un fauve en cage. Il me manque cette énergie pure, vitale qui
relie mon corps aux éléments, au soleil, à la terre, au ciel, à la mer.
Je revis en
mémoire, pour apaiser de quelque façon la claustrophobie qui me pèse, ces
longues promenades solitaires. Et je me prends à rêvasser d’évasions
impossibles.
Je commence à m’habituer
lentement à l’idée de n’avoir rien à faire de particulier. Cela me change totalement
de la routine habituelle et ces semaines de confinement forcé ont fini par
aboutir à une autre forme de rapport au temps, à une présence, très particulière,
dans la sphère d’un monde en retrait.
J’ai pas mal de
choses à lire, maintenant que les garçons sont repartis chez leur père. Le temps
se dilate, sans trop de corvées ménagères à dos.
Puis, j’ai des
pages blanches à emplir, un manuscrit aux contours autobiographiques en main. Je
ne sais pas très bien quoi penser de cette « idée », somme toute
banale, pas plus excitante, ni plus difficile d’inventer que d’organiser, avec
méthode, avec principe, avec rigueur ; pivotant parfois autour d’une opération
mystificatrice de sens cachés, de messages à décrypter, de noms, de détails, de
petits faits vrais ou inventés, d’indices, de couleurs, de signes, de chiffres,
d’allusions transparentes ou floutées.
Une « aventure » figée faite de moult hypothèses et de points d’interrogation. J'ai la certitude qu’un jour vos regards tomberont sur le vide et la page suivante sera blanche. Le manuscrit s’arrêtera net.
Une « aventure » figée faite de moult hypothèses et de points d’interrogation. J'ai la certitude qu’un jour vos regards tomberont sur le vide et la page suivante sera blanche. Le manuscrit s’arrêtera net.
Rien de ce qui
est raconté dans ce récit ne doit être considéré au premier degré. Je suis à la fois une éternelle diseuse de
vérité et une totale menteuse. Je suis
imbattable à ce jeu-là. Je m’amuse follement à agencer ma propre histoire.
C’est de petits détails
insignifiants que je voulais remplir mon compte rendu de la journée, mais voilà
que je me suis laissé prendre au jeu de la divagation pirouette, des
fantasmagories fumeuses.
Je crois que j’ai
instinctivement peur de m’engager sur certaines pistes redoutables de l’introspection
du moi. Je repousse cet instant péniblement, de toutes mes forces, jusqu’au
moment où je ne pourrais plus échapper au contrôle répressif que je m’impose.
J’ai peur. Je ne
sais pas exactement pourquoi ni vraiment de quoi. Je n’ose évidemment pas en
parler ouvertement.
Fouiller dans ma
mémoire exige des circonstances précises, spéciales. Le ressouvenir n’est pas
forcément une partie de plaisir enhardissant.
Il faut méthodiquement tout effilocher et c’est loin de procurer l’apaisement et l’oubli.
Les blessures sont parfois lancinantes.
Il faut méthodiquement tout effilocher et c’est loin de procurer l’apaisement et l’oubli.
Les blessures sont parfois lancinantes.
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