jeudi 13 septembre 2018

Vertigo


Tendue dans un instant perpendiculaire. Le vertige de la verticalité. Un seul pouvoir.

Un refuge temporaire. Une parcelle de Moi  qui se dérobe. Je ne pense plus

que dans l'entre-deux et loge dans un vide – mon étrangeté singulière!

Telle une huître. Telle une pierre. Aucune pensée. Le vide.  L'apesanteur.

L'arrachement au Moi.  Perdue dans le tourbillon du béant. Néant. 

Les choses, les êtres et les mots effacés. Puis retournée. Revenue. Réincorporée.

Je redeviens fluide comme un fleuve fuyant sans cesse, sans cesse

changeant. Ni éblouie. Ni bluffée.  Toujours entre deux annulations. L'étrangeté.

L'absurdité. Le cours banal de nos vies. La quotidienneté qui abolit tout.

Une disponibilité intermittente. L'impulsion à penser trop. J'erre dans mes perceptions

et mes idées vagabondes, aux résonnances vertigineuses, sans habitat fixe.

Réouverture des plaies. Je nettoie. Je recouds. Je cautérise. Je panse.

Détachée de tout et en même temps toujours présente. Je ruisselle. Je me délie.

Je me dissous. Puis je m'envahis à nouveau, à l'improviste. J'emplis le vide. J'éponge

les sensations. Je m'émeus à tout venant. Je couvre mes cicatrices. Mon moi survit

toujours au dépassionnement. Pâle doublure de ma témérité acharnée. Je m'accroche.

Tenace. Je m'allège tel un papillon. Indifférente. Mes ailes emportent ce qui reste du Moi.

Je joue à l'emboîtement/déboîtement. Une poupée russe. Je vis à la verticale des images,

sertie dans tous les horizons. Je m'invente une altérité.  Je m'éparpille tous azimuts.

Je me décolle de moi-même tel un grain de poussière qui quitte le sol, emporté par une rafale

de vent.  Passante  sur le trottoir gigantesque du monde.  Passagère dans un no mans land,

entre deux lieux, deux dogmes, deux crises, deux identités, deux religions, deux sexes,

deux ruses, deux hésitations, deux incertitudes, deux couardises, deux envolées. Passante

passagère, passante sans identité fixe. Clandestinité totale.

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