vendredi 19 septembre 2008

Les fruits du corps - Abdellatif Laâbi (Clepsydre)

Au commencement
il y eut un mot
Va savoir lequel
Une allusion
au creux de deux syllabes
Un accent mal placé
à dessein
Une chute
en pointillés hésitants
Le mal
voyons
le bien était déjà fait


Le désir
ne se déclare
ni ne se commente
Il brûle
et se propage
ou meurt
en silence


Seule la langue
reconnaît
cette eau douée de mémoire
que nous échangeons
pour nous donner encore plus soif


Nous avons tout le temps
pour peindre cette toile
et nous en revêtir
Sculpter cette idole
et la manger
Écrire ce poème
et le brûler


Nos voix muent
Nos mots deviennent crus
Quel est ce double
impudent
simpliste
qui parle en nous
A qui s'adresse-t-il?


Parfois
je te fais mal
Et cela me désarçonne
Je te demande pardon
de ne pas être en tout
la douceur même


À n'importe quel âge
en amour
on est tous
des débutants

Dans les fruits du corps
tout est bon
La peau
le jus
la chair
Même les noyaux
sont délicieux

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