mardi 17 mars 2020

Log book 2020 # 1


À vingt ans, la petite oie blanche que j'étais, niaise,  gavée d'espoirs diffus et de rêves acidulés n'a pas compris grand chose à ce récit. Trop sombre. Trop noir. Trop désespérant. Certainement pas le genre de lecture pour une jeune fille en fleur.
Une relecture s'impose de façon presque prophétique, aujourd'hui, alors que la jeune fille s'est, quelque peu, délestée de maints bagages encombrants, sans grandes réjouissances.
Les nuits se suivent et les jours s'amoncellent, sans véritable apaisement, dans cette chambre et dans cet appartement, désormais retranché du monde.
La mémoire qui me revient, brièvement, de ma lecture d'adolescente est que nous fûmes heureux, sans le savoir et, brusquement, nous ne le sommes plus et tout ce qui nous semblait dérisoirement acessoire à ce petit "bonheur" banal, prend désormais une importance insoupçonnée jadis.
Je m'occupe maintenant beaucoup à ausculter le silence. Mon sommeil devient court et les nuits se prolongent. Le larmoiement ne m'a jamais guère intéressé.  L'impuissance m'a souvent plaquée au sol, mais jamais je ne considère la défaite comme définitive. Au centre, je suis usée mais pas encore fatiguée.
Pour gagner une partie contre la mort,  il faut freiner le mal, le juguler, le caresser -  ce cancre - , le prendre par les épaules, le secouer, lui parler ordinairement, lui faire la conversation, même s'il est sec, cassant et puissamment actif. À un moment peut-être, il n'y aura plus d'arguments à lui opposer, mais l'intimité qui aura été la nôtre créera, méticuleusement, des liens sans grand éclat certes, mais plus que modestes.
Et maintenant aussi, le temps du silence s'entrecroise avec le temps de l'absence. Un dénuement, encore plus complet, auquel il faut consentir. Une exception à la tentation de continuer à vivre normalement.
En d'autres circonstances, cette épreuve infligée  serait perçue comme une sorte d'abstraction forcée, une courte déviation, pour reprendre la voie au plus vite, néanmoins force m'est de constater que le vertige me prend au garrot.
Cela va s'arrêter et tout ira bien, c'est la certitude la plus probable. Il faut s'en accomoder sans trop broncher et sans rien trop laisser au hasard.

 Autre chose n'est pas utile!

" - Je comprends, murmura Paneloux. Cela est révoltant parce que cela passe notre mesure. Mais peut-être devons-nous aimer ce que nous ne pouvons pas comprendre."

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